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La vie avant la télévision

Éteignez votre télévision à écran plat et laissez-vous emporter par les divertissements visuels des 17e, 18e et 19e siècles.

Image: Un appareil « peepshow »
Image: Un appareil « peepshow »
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Aujourd’hui, les écrans de télévision et de cinéma sont grands et ont une qualité d’image remarquable, les jeux vidéos possèdent des graphismes impressionnants et on peut regarder des films n’importe où grâce aux appareils mobiles.

Mais avant la naissance des supports multimédias modernes, nos ancêtres étaient tout sauf privés d’images animées et de réalité virtuelle. Des appareils low-tech innovants produisaient des effets extraordinaires et étaient presque identiques à la télévision, au cinéma et aux lecteurs multimédias d’aujourd’hui. Certaines de leurs fonctionnalités surpassent même celles des appareils modernes.

1. LE PANORAMA

Le cinéma et la télévision créent l’illusion d’un mouvement en affichant une séquence d’images fixes, le plus souvent à 24 images par seconde. Avant l’invention du cinéma, un effet similaire était créé par un autre système plus encombrant.

Image: Le panorama du « chemin de fer Transsibérien », 1900.
Image: Le panorama du « chemin de fer Transsibérien », 1900.
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Des artistes peignaient des toiles immenses (parfois jusqu’à plusieurs kilomètres de long et aussi hautes qu’un écran de cinéma actuel) qui étaient fixées à deux grandes bobines cylindriques et mécaniques. L’écran était ensuite lentement enroulé d’un côté, tout en étant déroulé de l’autre côté.

Quatre écrans

Le thème préféré de ces panoramas animés était le voyage : les spectateurs pouvaient embarquer pour un voyage en bateau à vapeur le long du Nil, pour un périple ferroviaire de Moscou à Pékin, pour une aventure dans les régions arctiques ou pour un vol en montgolfière (dans ce cas-là, l’écran était enroulé verticalement). Les récits bibliques ou légendaires et les batailles célèbres étaient aussi des thèmes populaires.

Les panoramas animés sont devenus de plus en plus sophistiqués avec le temps. Pour l’un des exemples les mieux documentés, le panorama du « chemin de fer transsibérien » exposé en 1900, trois écrans plus petits étaient ajoutés devant l’écran principal.

Un écran horizontal situé au plus près des spectateurs affichait le sable et le ballast de la voie ferrée, défilant à 300 mètres par minute. Un autre écran, placé verticalement, affichait des arbustes se déplaçant à une vitesse de 120 mètres par minute.

Image: Panorama d’un bateau à vapeur.
Image: Panorama d’un bateau à vapeur.
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Derrière, les villes et les maisons avoisinant le chemin de fer étaient affichées sur un écran plus grand, pour une vitesse de 40 mètres par minute. Le dernier écran, et aussi le plus grand, mesurait 8 mètres de haut et se déplaçait lentement, à une vitesse de seulement 5 mètres par minute, pour afficher le ciel, les montagnes, les bois, les nuages et les villages et villes plus éloignées.

Pour parfaire l’expérience, les spectateurs étaient installés dans des wagons de train reconstitués pour regarder le panorama. Le « voyage en train », accompagné d’effets sonores et de la description des images, durait 45 minutes.

Dans un autre panorama simulant une balade en bateau, les passagers bougeaient également de haut en bas dans une réplique d’un bateau à vapeur pour imiter le mouvement des vagues (aussi appelé « maréorama », voir photo ci-dessus). Les passagers pouvaient entendre des sifflets à vapeur et voir des effets de fumée et de vent.

Un panorama animé (« La vie et la carrière héroïques de Garibaldi ») a été numérisé en haute résolution et peut être visionné sur Internet. (part 1 & part 2 & the introduction to the project).

Panoramas circulaires

Le panorama a une histoire plus ancienne que le cinéma actuel. Sa popularité a atteint son apogée dans les années 1850 et il est resté le média de masse le plus populaire jusqu’au début du 20e siècle.

Les panoramas animés découlent des panoramas circulaires, dont le brevet a été déposé en 1787 au Royaume-Uni par Robert Barker. (voir une de ses plus petites œuvres ici) Ils étaient exposés dans des bâtiments circulaires (rotondes) de 40 mètres de diamètre et de 20 mètres de hauteur, spécifiquement conçus pour ces panoramas.

Les panoramas peints étaient déjà connus, mais le fait d’être complètement entouré par la scène donnait aux spectateurs une perspective différente et un sentiment de réalisme accru. Aujourd’hui, certains de ces panoramas sont trouvable sur internet, mais le panorama circulaire n’a plus le même effet sur un écran plat.

Image: Un panorama circulaire
Image: Un panorama circulaire
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Ces panoramas circulaires étaient présentés à un endroit pendant une saison, puis ils étaient déplacés à travers le pays et dans le monde entier. Ils étaient donc vus par des centaines de milliers de personnes. Les expositions les plus populaires représentaient des batailles célèbres (et surtout récentes). Les autres thèmes exposés étaient les paysages, les villes, les scènes bibliques ou les jardins (un panorama de Versailles a été le premier à être montré aux États-Unis, en 1829).

Les panoramas servaient aussi à attirer les migrants vers le nouveau monde. À la fin du 19e siècle, il y avait 13 rotondes à Paris. Presque toutes les grandes villes d’Europe et de certaines régions des États-Unis avaient des bâtiments dédiés aux panoramas. Aujourd’hui, il n’en reste qu’une douzaine.

Travail d’équipe

Le panorama alliait l’art et l’innovation technologique pour produire un spectacle apprécié. Comme le cinéma aujourd’hui, le panorama offrait aux spectateurs un moyen de s’évader, une chance de voyager dans des pays et des époques exotiques. Les panoramas nécessitaient un investissement de départ conséquent qui était remboursé par les billets d’entrée.

Comme pour le tournage d’un film, il fallait beaucoup de personnes pour réaliser un panorama. Ces personnes réalisaient un panorama en un an environ et devaient étudier la scène à représenter en se rendant sur place, réaliser des croquis, et bien sûr peindre le panorama.

Image: Un panorama égyptien.
Image: Un panorama égyptien.
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Peindre un panorama circulaire était un véritable défi. Il était impératif d’utiliser correctement la perspective et de maîtriser parfaitement les couleurs pour entretenir l’illusion sous tous les angles. Tout comme pour les panoramas animés, l’illusion des panoramas circulaires était renforcée par des effets supplémentaires.

Les spectateurs ne pouvaient voir ni le haut ni le bas de la toile. Ils se tenaient sous un abri, et des objets étaient placés sur le sol entre la plate-forme du public et la toile elle-même : pour une bataille, il y avait des tranchées, des armes, des casques et des canons.

Ces objets étaient en partie peints et en partie réels, ce qui renforçait davantage l’illusion de faire partie du lieu projeté (comme le montre très bien le panorama égyptien moderne ci-dessus). Une bande-son et des effets lumineux complétaient l’illusion. Avant d’arriver sur les lieux, les spectateurs traversaient un couloir sombre qui les désorientait.

Souvenirs

De petites reproductions des panoramas étaient vendues comme souvenirs, comme on achète aujourd’hui le DVD d’un film après l’avoir vu au cinéma. Naturellement, le cinéma a rendu le panorama presque obsolète, mais il a continué d’être populaire pendant une bonne partie du 20e siècle, notamment en Russie et en Asie.

Image: Le panorama de Big Sur.
Image: Le panorama de Big Sur.
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Aujourd’hui encore, des passionnés font perdurer cet art (comme le panorama de Big Sur ci-dessous) Grâce à la technologie de l’imagerie numérique et Internet, le panorama a été repensé pour offrir une nouvelle expérience : celle des scènes panoramiques virtuelles. L’expérience n’est toutefois pas tout à fait la même puisque le spectateur n’est pas physiquement en immersion dans l’espace.

Découpage des œuvres

En raison de leur taille, la plupart des panoramas ont été détruits ou découpés puis vendus à des collectionneurs. Le site internet www.panoramapainting.com propose un aperçu des panoramas encore existants, qu’ils soient placés dans un musée ou toujours en exposition et vous redirige vers des sites contenant plus d’informations. Certains panoramas peuvent être observés sur internet.

2. LE STÉRÉOSCOPE

Au 20e siècle, la télévision est devenue le média de masse le plus populaire pour se divertir, s’éduquer et s’informer. Au 19e siècle, le prédécesseur de la télévision était le stéréoscope, un appareil qui permettait de transformer des images bidimensionnelles en vues tridimensionnelles.

Le stéréoscope n’est pour nous que l’ancêtre du View-Master, un jouet pour enfants encore vendu aujourd’hui. Pourtant, dans les années 1800, le stéréoscope est tellement populaire qu’il occupe une place centrale dans tous les foyers occidentaux. Une large gamme de produits était disponible : des modèles portables, à poser sur une table, ou encore des grands modèles de salon pour toute la famille, et qui ressemblent à des téléviseurs.

Image: Stereoview.
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Le stéréoscope crée l’illusion d’une perspective en positionnant deux images de la même scène ou du même objet l’une à côté de l’autre, toutes deux prises sous un angle légèrement différent (la différence horizontale est d’environ 6 centimètres, soit la distance entre deux yeux humains). Les observateurs expérimentés peuvent profiter de l’effet stéréoscopique sans visionneuse, à condition d’être très concentrés. Certaines images stéréoscopiques changent d’aspect en présence d’un éclairage puissant en arrière-plan.

Image: Un stéréoscope.
Image: Un stéréoscope.
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L’appareil a été inventé dans les années 1830 et est arrivé sur le marché en 1851. Les images stéréoscopiques étaient d’abord dessinées à la main, mais la technologie a vraiment décollé lorsque des photographies ont été intégrées puisqu’elles ont rendu la production beaucoup plus facile et rapide. Peu après, les appareils photo à deux objectifs ont été inventés et des photos pouvaient être obtenues en un seul clic.

Collections d’images stéréoscopiques

Les sujets les plus populaires étaient les paysages, les bâtiments, les monuments, les nus (aussi bien les hommes que les femmes), les scènes de guerre, les disciplines scientifiques et les lieux exotiques. Vous trouverez deux grandes collections d’images stéréoscopiques ici (classées par thème) et ici (classées par pays). Toutes les bases de données de vues stéréoscopiques sur Internet sont accessibles ici.

3. LA LANTERNE MAGIQUE

La lanterne magique est un appareil pré-cinématographique des plus intrigants. Similaire à un projecteur de diapositives actuel, elle agrandit les images provenant de diapositives transparentes plus petites (peintes ou photographiées).

Dans sa forme la plus simple, le fantascope avait le même rôle que le stéréoscope : il transmettait aux gens des histoires, des objets et des lieux qu’ils n’avaient jamais vus ou entendus auparavant. Pour son époque, la lanterne magique a atteint un niveau de technologie qui n’a pas encore été dépassé par les critères actuels.

Image: Une lanterne magique. The Luikerwaal
Image: Une lanterne magique. The Luikerwaal
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Image: Une lanterne magique. The Luikerwaal
Image: Une lanterne magique. The Luikerwaal
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La lanterne magique a été inventée au milieu du 17e siècle. Elle a un aspect étrange dont il existe de nombreuses variations.

Il s’agit essentiellement d’une boîte opaque avec un judas, sur lequel est monté un objectif. Le haut de la boîte ressemble à un toit avec un tube en guise de cheminée, par lequel la fumée et la chaleur de la source de lumière (bougies ou lampes à huile, puis un plus tard des sources électriques) peuvent s’échapper.

Image: Diapositive tirée de The Theatre Collection
Image: Diapositive tirée de The Theatre Collection
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Un miroir parabolique qui reflète la lumière se trouve à l’intérieur de la boîte. Les gens possédaient des lanternes magiques, mais tout comme pour les « peepshows », des showmen voyageaient d’un endroit à l’autre pour donner des représentations.

Objets opaques

D’autres modèles (plus récents) de lanternes magiques ne projetaient pas des diapositives transparentes mais des images opaques bidimensionnelles telles que des gravures, des dessins, des pages de livres, des photos et même des objets tridimensionnels comme des marionnettes, des crânes, des pièces de monnaie ou des feuilles. Ces appareils sont appelés épiscopes et épidiascopes (ce dernier est une lanterne magique qui peut projeter des diapositives transparentes et des objets opaques). Une lumière intense placée à l’intérieur de la boîte éclaire l’objet des deux côtés. Les objets sont suspendus à l’envers dans la boîte et apparaissent à la verticale sur le mur ou l’écran, dans leur couleur et leur texture d’origine.

Fantasmagorie

Finalement, la lanterne magique projetait des images sur un mur, mais pas que. En faisant glisser deux images l’une sur l’autre, on pouvait créer des effets, comme un homme endormi avalant des rats. Des pièces de marionnettes pouvaient bouger grâce à des fils d’acier. Pour faire bouger l’objet sur l’écran, le mécanisme était actionné depuis l’extérieur de la boîte.

Image: Fantasmagorie.
Image: Fantasmagorie.
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Mais les spectacles « Fantasmagorie » étaient la façon la plus remarquable d’utiliser la lanterne magique. Ils étaient l’ancêtre du film d’horreur à la fin du 18e siècle (plus d’informations ici, ici et ici). Pour ces spectacles, la lanterne magique était montée sur des roues pour ressembler à une caméra de cinéma. Le fantascope, nom donné à ce type de lanterne magique, possédait plusieurs fonctionnalités d’une caméra de cinéma, dont la mise au point automatique.

Image: Fantascope.
Image: Fantascope.
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Le plus souvent, des squelettes, des démons, des fantômes et des sorcières étaient projetés sur un écran translucide ou un écran de fumée placé entre le fantascope et les spectateurs. En faisant rouler l’appareil d’avant en arrière, l’image sur le mur devenait plus petite ou plus grande, donnant aux spectateurs l’illusion que le fantôme les attaquait ou s’éloignait et disparaissait.

Les showmen utilisaient parfois plusieurs projecteurs en même temps pour projeter plusieurs fantômes animés. Plus tard, des effets optiques utilisant des miroirs ont été ajoutés pour faire apparaître des fantômes partout. Ces effets, alliés à des bruits terrifiants et de la fumée, ont effrayé de nombreuses personnes.

Ombre Blanche

Image: Ombre blanche.
Image: Ombre blanche.
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L’« Ombre Blanche » est une autre technique de la fantasmagorie, le contraire du théâtre d’ombres plus connu. On peut la considérer comme la variante low-tech du fantascope, puisqu’il suffisait d’un judas sans objectif et d’une source de lumière très faible, comme une bougie d’anniversaire. Mais ici, plusieurs fantômes de couleurs différentes pouvaient se déplacer dans une pièce sombre, sans actions complexes ni constructions mécaniques.

4. LE PEEPSHOW

Le peepshow pourrait être décrit comme le premier gadget multimédia moderne. Il s’agit d’une boîte avec un judas par lequel le spectateur peut voir une scène miniature peinte ou construite en perspective (ou une combinaison des deux).

Le stéréoscope et la lanterne magique ont tous deux été développés à partir du peepshow, qui a été inventé vers les années 1660 et qui avait un ancêtre encore plus ancien datant du 13e siècle (les vues en perspective de Leon Battista Alberti).

Image: Un appareil « peepshow »
Image: Un appareil « peepshow »
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Une perspective exagérée, une utilisation efficace des couleurs et des effets de lumière et (parfois) un simple objectif créent une illusion de profondeur. La lumière vient du soleil ou de la lune, ou de bougies placées à l’intérieur de la boîte en bois. Tout cela crée un effet très réaliste, qui surprendrait même les adeptes des médias high-tech du 21e siècle.

Un peepshow avait parfois plusieurs judas (comme cette ancienne boîte néerlandaise ci-dessus) pour que plusieurs personnes puissent regarder la scène en même temps. Le système pouvait être un petit appareil portable, ou un modèle plus grand, de table ou de sol. Les premières télévisions du 20e siècle utilisaient le « peeping », le simple fait de regarder à travers un trou.

Les showmen

Les peepshows étaient tenus par des showmen qui voyageaient de village en village. Parfois, ils manipulaient des parties de la scène depuis l’extérieur pendant que les spectateurs regardaient. Actuellement, dans la plupart des pays, le peepshow est principalement connu pour être érotique. Cependant dans certains endroits, le peepshow original est toujours présent. L’image ci-dessous montre un peepshow en Chine, avec 5 judas.

Image : peepbox, illustration tirée de Early Visual Media structure du peepshow en bois)
Image : peepbox, illustration tirée de Early Visual Media structure du peepshow en bois)
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Image: Une Peepbox Image tirée du Australian Centre for the Moving Image
Image: Une Peepbox Image tirée du Australian Centre for the Moving Image
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Les Chinois ne tarderont pas à suivre cet exemple et à troquer tous leurs anciens appareils multimédias contre un téléviseur à écran plat et une console de jeu. Le problème est que le monde ne parvient pas à trouver une source d’énergie capable d’alimenter tous nos gadgets high-tech du 21e siècle. En effet, les bougies ou le clair de lune ne suffisent malheureusement plus.