Battery used Battery charging

Les vélos générateurs d'électricité ne sont pas durables

Les vélos générateurs d’électricité sont peu performants à cause de la façon dont ils sont fabriqués aujourd’hui.

Image : K-TOR Power box.
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Pédaler sur un vélo d’appartement qui produit de l’électricité peut être un bon exercice physique, mais souvent, cette activité n’est pas durable. Les humains sont peu efficaces pour convertir de la nourriture en travail mais nous ne parlerons pas de cela ici. Voici un constat simple : si l’on doit bouger pour rester en bonne santé, pourquoi ne pas utiliser cette énergie pour faire fonctionner des machines ? Le problème est que les vélos générateurs d’électricité sont peu performants à cause de la façon dont ils sont fabriqués aujourd’hui.

 Lorsque vous utilisez un vélo générateur, vous pédalez pour produire l’énergie nécessaire pour fabriquer une batterie.

Il existe deux manières d’alimenter un appareil en pédalant. Il peut être relié directement par un raccordement mécanique, comme c’était le cas pour toutes les machines à pédales vendues au début du XXe siècle. Ou bien il est possible de pédaler pour produire de l’électricité, de sorte à ce qu’elle soit utilisée pour alimenter un appareil. Dans les années 1970, la plupart des recherches étaient centrées sur la transmission mécanique directe de l’énergie. De nos jours, les machines à pédales sont presque exclusivement créées pour produire de l’électricité : par exemple, pour recharger des téléphones et des ordinateurs portables, alors que ceux-ci n’existaient même pas 50 ans plus tôt.

À une exception près (le « blender Fender », une machine à pédales permettant de faire des smoothies), les seules machines à pédales commercialisées en Occident (par les entreprises Windstream, Convergence Tech et Magnificent Revolution) sont des supports sur lesquels on installe son vélo. Ce dernier est alors relié à un générateur électrique et à une batterie. Ainsi, en effectuant votre séance de vélo quotidienne, vous produirez de l’électricité. Certaines machines à pédales sont également utilisées pour des projets éducatifs et artistiques, ils peuvent, par exemple servir à produire de l’électricité pour alimenter un concert , une séance de cinéma, une projection

ou encore un superordinateur. Elle peuvent également être utiles pour enseigner aux enfants la différence de consommation d’énergie entre une ampoule incandescente et une lampe à économie d’énergie, par exemple.

Afin de sensibiliser un public plus vaste à la surconsommation d’énergie et au réchauffement climatique, la BBC a créé un programme télévisé dans lequel une maison est entièrement autonome en électricité au moyen de générateurs. 80 cyclistes produisent jusqu’à 14 kW chacun pour alimenter les générateurs. Ces machines à pédales, pouvant être utilisées par plusieurs personnes, ont été conçues dans les années 1970 par le Campus Center for Appropriate Technology (CCAT).

La production d’électricité est très peu efficace

La manière actuelle de fabriquer des vélos générateurs pose plusieurs problèmes. Il faut savoir que pédaler n’est pas le meilleur moyen de produire de l’électricité. Les pertes d’énergie internes dans la batterie, le système de gestion de la batterie, le générateur et d’autres pièces électroniques sont, en effet, trop nombreuses.

Ces pertes d’énergie augmentent rapidement et sont identifiées de cette manière : 10 à 35 % dans la batterie, 10 à 20 % dans le générateur et 5 à 15 % dans le convertisseur (qui transforme le courant continu en courant alternatif). (Sources :^1/2/3). La perte d’énergie dans le régulateur de tension (ou convertisseur DC/DC, qui empêche la malfonction de la batterie) est d’environ 25 % (sources : 1/2).

Donc, la perte d’énergie totale dans un générateur à pédales est estimée entre 42 et 67,5 %. Voici un calcul de la perte la plus élevée : 100 watts en entrée = 80 watts après 20 % de perte dans le générateur = 57,5 watts après 25 % de perte d’énergie dans le régulateur de tension = 37,5 watts après 35 % de perte dans la batterie = 32,5 watts après 15 % de perte dans le convertisseur = 32,5 watts en sortie = 32,5 % de rendement ou 67,5 % de perte d’énergie.

 Pour alimenter un appareil grâce à la force de vos jambes, il vous faudrait pédaler 2 à 3 fois plus fort ou plus longtemps pour être aussi rentable que si vous l’alimentiez mécaniquement.

De plus, une légère perte supplémentaire serait à prévoir en cas d’inactivité de la batterie et l’efficacité de charge (également appelée « acceptation de charge » ou « rendement coulombien ») de la batterie se dégraderait au fil du temps. Pour que le calcul soit juste, il serait également nécessaire d’inclure la perte d’énergie dans l’appareil électrique que vous alimenteriez (ce que nous ne ferons pas ici).

Prenons l’exemple d’un blender, une perte d’énergie de 42 à 67,5 % impliquerait 42 à 67,5 % d’efforts ou de temps supplémentaires pour l’alimenter électriquement. Cette perte peut être acceptable si vous utilisez des panneaux solaires ou une éolienne reliée à une batterie comme source d’énergie. Par contre, cela devient problématique si c’est vous-même qui générez l’énergie.

Si vous produisez 100 watts d’énergie et que 42 à 67,5 % sont perdus au moment de la conversion, il ne reste donc que 32,5 à 58 watts pour alimenter l’appareil. Si vous alimentez le même appareil mécaniquement, vous lui fournissez directement 100 watts . Vous devez donc pédaler 2 à 3 fois plus fort ou plus longtemps si vous envisagez de produire de l’électricité pour la stocker dans une batterie par la suite.

Les vélos traditionnels ne sont pas conçus pour produire de l’énergie

Cela ne s’arrête pas là. La manière dont ils sont fabriqués présente un deuxième problème qui est le matériel lui-même : il est préférable d’opter pour une machine à pédales spécialement conçue pour cette opération plutôt qu’un vélo d’appartement traditionnel. Il est certain qu’utiliser un vélo d’appartement traditionnel comporte des avantages mais, c’est beaucoup moins efficace.

La transmission à friction est l’un des principaux obstacles, car la roue arrière du vélo agit sur le petit rouleau du générateur. Les transmissions par chaîne et par courroie (utilisées dans les machines à pédales de la fin du XIXe siècle) ont un rendement pouvant atteindre 98 % tandis que celui d’une transmission à friction n’est que de 80 à 90 % (et s’use plus vite). Cette perte d’énergie doit être ajoutée à la perte d’efficacité de 42 à 67,5 % calculée ci-dessus, qui, elle-même s’élève entre 48 et 73,5 %. Une mauvaise pression des pneus réduit également l’efficacité.

Il faut noter que le vélo en lui-même cause une perte d’énergie car les pédales ne sont pas directement fixées à la roue arrière. Vous faites tourner un pignon, qui fait tourner une chaîne. Celle-ci fait tourner un autre pignon, qui permet à la roue arrière de tourner. La perte d’efficacité de la transmission par chaîne (et la perte d’énergie dans le dérailleur, s’il y en a un) est un autre facteur à prendre en compte.

 Relier directement une chaîne de vélo

au générateur éviterait la perte d’énergie de la transmission à friction, mais une adaptation du vélo sera à prévoir. Dans ce cas-là, le concept des générateurs à pédales disponibles aujourd’hui dans le commerce sera mis à rude épreuve.

Vélos de course

D’autres pertes d’énergie peuvent apparaître lorsqu’un vélo de route est utilisé pour produire de l’électricité. Par exemple, le générateur Windstream est présenté avec l’image d’un vélo de course. C’est un très mauvais choix, car la position du cycliste sur un vélo de course lui permet d’être plus aérodynamique. Des tests sur ergomètres (des vélos fixes utilisés pour mesurer la puissance produite par les cyclistes) ont démontré que pédaler dans cette position n’équivaut qu’à 80 % de l’efficacité d’une position verticale normale.

Sur la route, la position du cycliste sur un vélo de course lui est utile pour être aérodynamique. Toutefois, cette position ne présente aucun avantage sur une machine à pédales fixe. Le vélo tout-terrain (VTT) n’est pas optimal non plus, car les pneus ont des crampons . Et, ces derniers réduisent l’efficacité de la transmission à friction. En bref, produire de l’électricité avec son propre vélo de route est profitable, mais il n’est pas possible d’utiliser n’importe quel type de vélos.

Volant d’inertie

L’absence de volant d’inertie sur les vélos de route est un autre inconvénient considérable. Il s’agit d’un disque lourd en béton, en bois ou en acier qui continue à produire de l’énergie après avoir été mis en mouvement. Dans une machine à pédales construite de toutes pièces, comme celles utilisées au début du XXe siècle, le volant d’inertie sert de roue arrière dans le support d’entraînement (même si ce volant est bien souvent placé à l’avant de la machine). Le pédalier alimente le volant d’inertie, et celui-ci alimente la machine (qui peut être un dispositif mécanique ou un générateur produisant de l’électricité).

Pourquoi un volant d’inertie est-il avantageux ? Faire du vélo sur la route et sur un appareil immobile sont deux choses totalement différentes. Quand nous pédalons, la puissance exercée par nos pieds est irrégulière. Elle atteint son maximum tous les 180 degrés de rotation de la manivelle. Étant donné que les deux manivelles sont placées à 180° de déphasage, on compte deux pics de puissance par tour. Il faut également prendre en compte les points morts entre la position haute et la position basse des pédales (cette force de torsion minimum n’est pas nul mais elle représente environ un tiers du maximum).

 Sur un vélo fixe, sans roue d’inertie, le rythme de pédalage provoque des mouvements saccadés qui réduisent la production d’énergie du cycliste.

Cet effort inégal a peu d’effet sur un vélo traditionnel en raison de son inertie et de celle du cycliste. Mais sur un vélo fixe, ce rythme de pétalage naturel entraîne des mouvements saccadés avec de nouvelles tensions sur les pièces.

Du fait de sa masse importante et de sa vitesse de rotation, le volant d’inertie égalise l’écart entre les pics de puissance et les points morts. Grâce à l’équilibre de l’apport de puissance, le cycliste se fatigue moins vite et produit plus d’énergie. Cependant, un volant d’inertie est lourd et n’est donc pas portatif. Il peut peser entre 10 et 80 kg sur les machines fixes.

Produire de l’énergie n’est pas écologique

En plus d’être inefficace, cette méthode de production d’électricité s’avère moins durable, moins fiable et plus coûteuse. D’une part, les batteries doivent être fabriquées et remplacées règulièrement, ce qui nécessite de l’énergie, remettant en question l’avantage écologique.

Selon ce document derecherche (pdf), l’énergie grise d’une batterie au plomb de 150 Wh — comme celle proposée avec le générateur Windstream — est d’au moins 37 500 Wh, ce qui équivaut à 250 charges complètes de la batterie. Pour plus d’informations : 1/2. En d’autres termes, pour fournir 75 watts de puissance à la batterie, vous devez pédaler pendant 500 heures pour générer l’énergie nécessaire à la fabrication de cette dernière. La durée de vie d’une batterie au plomb est estimée à 300 cycles de charge (sources : 1/2). Dans ce cas de figure, vous pédalez pour produire l’énergie nécessaire à la fabrication de la batterie. Si l’on tient également compte de l’énergie intrinsèque des autres composants électroniques, l’avantage écologique d’un générateur à pédales relié à une batterie est contesté. Il pourrait coûter plus d’énergie qu’il n’en fournit.

 Un générateur à pédales peut coûter plus d’énergie qu’il n’en fournit.

De l’énergie est aussi requise pour fabriquer une machine à pédales. Cette inquiétude touche principalement la production d’acier puisqu’il faut d’acier pour les fabriquer. Le blender Fender, mentionné plus haut, pèse 25 kg.

S’il est fabriqué à partir d’acier recyclé, et en utilisant ces chiffres pour calculer l’énergie intrinsèque de l’acier, le coût est d’au moins 41 625 Wh, soit un peu plus que la quantité requise pour la batterie présente dans le générateur d’électricité. Si l’on utilise de l’acier non recyclé, l’énergie intrinsèque est d’au moins 138 750 Wh (ce qui équivaut à 3,7 fois l’énergie intrinsèque d’une seule batterie). Mais, ces machines ont une durée de vie d’au moins 100 ans (celles qui datent de la fin du XIXe siècle sont encore utilisées), alors que la batterie du générateur d’électricité, elle, doit être remplacée fréquemment.

Si nous omettons l’énergie intrinsèque des autres pièces, et si nous estimons une durée de vie de 4 ans pour la batterie (au mieux), un générateur à pédales nécessiterait 937 500 Wh sur une période de 100 ans, soit 6,7 à 22,5 de plus qu’une unité mécanique. De plus, la fabrication du cadre d’une machine à pédales mécanique, à partir de matériaux de récupération, rend l’énergie intrinsèque quasiment nulle. Ceci n’est pas possible avec des batteries. N’oublions pas que les matériaux eux-mêmes peuvent également être toxiques.

Produire de l’électricité est moins fiable et plus coûteux

Bien qu’une machine à pédales soit la source d’énergie la plus robuste et la plus résistante, cet avantage disparaît lorsque vous produisez de l’électricité. Peu de personnes sont capables de fabriquer des batteries, vous serez donc contraints d’acheter régulièrement des batteries de rechange.

De plus, les pièces électroniques de la machine (le régulateur de tension, le générateur, le convertisseur) peuvent tomber en panne. Les réparer ou les fabriquer soi-même est une option peu envisageable, contrairement aux anciennes machines à pédales. Les machines à pédales mécaniques sont généralement plus facile à réparer et à entretenir que les vélos.

Elles sont aussi plus coûteuses si des composants supplémentaires sont ajoutés. Les modèles disponibles dans le commerce sont vendus entre 650 € et plus de 1 000 €, sans compter les remplacements réguliers de la batterie. Même si vous fabriquez votre propre générateur à pédales, de nombreuses dépenses s’additionnent. Le livre de 2008 « The Human-Powered Home: Choosing Muscles Over Motors », contient des plans pour plusieurs types de machines à pédales. Le coût d’un générateur fait-main avec des pièces de récupération serait d’environ 45 € et il faut compter environ 320 € pour l’achat de pièces neuves. Le support de vélo et les batteries de rechange devront être comptés à part. Une autre source estime que les coûts avoisinent les 550 €.

Les machines mécaniques à pédales présentées dans le livre peuvent être construites pour 10 à 50 €, tout compris (la plus chère étant la machine à laver pour 90 €). Ce type de machine est très cher —  le Fender Blender se vendant à 1 550 €. Mais, le prix est si élevé à cause du cadre en acier. Or, celui-ci pourrait facilement être remplacé par le cadre d’un vieux vélo d’appartment. Le construire à partir de matériaux de récupération peut aussi être une option. D’ailleurs, aucun frais supplémentaire n’est à prévoir pour le remplacement des batteries ou de l’appareil en lui-même car il est conçu pour durer dans le temps.

Solutions

D’autres solutions sont proposées afin de limiter les pertes d’énergie des générateurs à pédales. L’une d’entre elles serait de ne pas produire d’électricité et d’alimenter les appareils mécaniquement, autant que possible. Améliorer l’efficacité de la production d’électricité est une autre possibilité. Elle serait l’unique solution pour les appareils qui ne peuvent pas être alimentés par une connexion mécanique directe dans la mesure où aucun mouvement rotatif n’est opéré.

Pour ce faire, il faudrait construire de zéro un générateur à pédales, et/ou supprimer un ou plusieurs composants électroniques dans la chaîne de transmission d’énergie. Pour plus d’informations :

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Sources (par ordre d’importance)