Battery used Battery charging

Les armes mortelles qui poussaient sur les arbres

La production des armes à feu modernes et de leurs munitions dépend d’une chaîne logistique mondiale et des énergies fossiles, mais les arcs et les flèches peuvent être fabriqués n’importe où, avec n’importe quel matériau, à la seule force humaine et à l’aide d’outils manuels simples.

Image : Habitant des îles Tanimbar muni d’un très grand arc et de flèches et portant une armure de cuir, Indes néerlandaises. Source inconnue.
Image : Habitant des îles Tanimbar muni d’un très grand arc et de flèches et portant une armure de cuir, Indes néerlandaises. Source inconnue.
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À l’origine des arcs et des flèches

L’arc est l’une des technologies les plus essentielles et les plus intéressantes de l’humanité, détrônée peut-être par la maîtrise du feu. En dépit des innombrables théories académiques sur le sujet depuis près de 200 ans, nous ignorons à quelle époque le tir à l’arc a vu le jour. 1Les premiers arcs et flèches étaient fabriqués à partir de matériaux organiques qui se préservent mal.Les plus anciennes découvertes archéologiques ont été faites dans des tourbières, des glaciers et des sédiments lacustres gorgés d’eau : des milieux dépourvus d’oxygène qui empêchent la décomposition de la matière organique. 2 Dans les années 1930, à Stellmoor, en Allemagne, des archéologues ont découvert une centaine de hampes de flèches dont la date de fabrication a été estimée entre 8 000 et 10 000 ans avant Jésus-Christ. 3 L’arc le plus ancien a été découvert dans les années 1940 à Holmegaard, au Danemark. Les scientifiques ont estimé sa date de fabrication entre 6 500 et 7 000 av. J.-C.

L’arc et la flèche ont été inventés longtemps avant ces découvertes. Nous le savons car les arcs préhistoriques étaient déjà très sophistiqués, nous reviendrons plus tard sur ce sujet. De plus, des pointes de flèches bien plus anciennes ont été découvertes par des archéologues. La pointe est la seule partie de la flèche fabriquée à partir de matière non-organique, ce qui fait qu’elle se préserve bien plus longtemps. Cependant les pointes de flèches peuvent être confondues avec les pointes de projectiles d’autres armes, en particulier les propulseurs, aussi appelés atlatl. 4 5 Compte tenu de ces informations, certaines études ont reculé la date de création estimée des arcs et des flèches jusqu’à entre 35 000 et 70 000 ans avant aujourd’hui. 6 Mais nous ne connaissons pas toute l’histoire, des pointes de flèche en bois durcies au feu pourraient avoir été utilisées avant celles en pierre ou en os.

Des ressorts à propulsion humaine

Mécaniquement, un arc est un ressort composé de deux parties souples et élastiques, tendues par une corde. Quand l’archer tire la corde vers lui, l’arc accumule de l’énergie. Puis quand il relâche la corde, l’énergie se transmet à la flèche, qui jaillit de l’arc. L’arc est une technologie très efficiente, l’énergie cinétique de la flèche (son énergie disponible) est proche du total d’énergie déployée.Les flèches le sont également, bien plus que les balles. Elles perdent peu de vitesse lors du vol et nécessitent peu d’énergie pour transpercer une cible. 7

L’arc est une technologie très efficiente, l’énergie cinétique de la flèche est proche du total d’énergie déployée.

L’arc est une arme à projectiles (ou arme de trait) utilisée pour attaquer à distance. Les armes à projectiles simples sont utilisées avec une force physique non assistée, par exemple des pierres jetées, des boomerangs ou des lances projetées à la main (« javelots »). Les armes à projectiles complexes font intervenir un dispositif de lancement entre l’humain et le projectile. Ces types d’armes englobent notamment l’arc, la fronde, la sarbacane, le propulseur et l’arme à feu. 4 Entre les mains d’un archer doué et puissant, l’arc (pré)historique était une arme précise et redoutable. Les armes à feu ont remplacé l’arc non pas à cause d’une supériorité technique mais en raison de leur facilité d’utilisation. 7

Les différents modèles d’arcs

Nos ancêtres ont utilisé l’arc et les flèches sur chaque continent, à l’exception de l’Australie (où le boomerang et le propulseur étaient privilégiés) et de l’Antarctique. La diffusion géographique considérable et la longueur de l’histoire ont permis à une grande diversité de modèles d’arcs de se développer en fonction des situations locales : les matériaux et les outils disponibles, le terrain, le climat, l’utilisation de l’arme, le contexte social, etc. Tous les arcs étaient constitués d’une pièce en bois et d’une corde, mais les matériaux, les dimensions, les formes, les styles de tir et d’autres critères varient considérablement. 89 Les armes à feu modernes, au contraire, sont les mêmes partout.

On distingue essentiellement deux types d’arcs, en opposition : l’arc simple et l’arc composite. Les arcs simples sont composés d’une seule pièce de bois alors que les arcs composites sont formés de plusieurs pièces de différents matériaux (en général du bois, de la corne et du tendon). D’autres modèles d’arcs se situent entre les deux. Par exemple, les arcs lamellés sont composés de plusieurs éléments d’un même matériau, et les arcs simples renforcés sont des hybrides entre les arcs simples et les arcs composites. Les arcs simples ont dominé les continents forestiers (Europe, Amériques et Afrique). Les arcs composites, eux, se sont imposés dans les régions plus arides (Moyen-Orient et Eurasie). Les contacts entre les différentes cultures ont probablement donné lieu à l’apparition de nombreux modèles intermédiaires.

Les arcs simples

Un arc simple se caractérise par sa durabilité et sa simplicité de fabrication, d’entretien et de réparation. Il est constitué d’une seule pièce de bois, généralement droite. Le modèle le plus connu est l’arc long. Comme son nom le laisse entendre, il est connu pour sa longueur. Il était à peu près de la même taille (ou plus grand) que l’archer qui tirait avec.Ce type d’arc est souvent apparenté à l’arc long anglais, qui est devenu une arme très utilisée sur les champs de bataille pendant le bas Moyen Âge. La conception de l’arc long est cependant beaucoup plus ancienne, et son utilisation était répandue dans toute l’Europe et sur d’autres continents. La momie Ötzi, retrouvée dans les Alpes italiennes en 1991, possédait par exemple un arc long de 182 cm datant de 3 300 av. J.-C. 10

Image : Archers utilisant des arcs longs. Image de Peter Trimming. Source : Wikimedia Commons. CC BY SA 2.0.
Image : Archers utilisant des arcs longs. Image de Peter Trimming. Source : Wikimedia Commons. CC BY SA 2.0.
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L’arc long ancien se distingue des arcs dits longs utilisés encore aujourd’hui dans les stands de tir à l’arc en Occident. La British Longbow Society, fondée en 1951, réserve le terme « longbow » (arc long) à sa version des époques victorienne et édouardienne, périodes auxquelles le tir à l’arc était devenu une activité de loisir. Ironiquement, leurs critères stricts excluent tous les arcs longs antérieurs, même les célèbres arcs de guerre anglais du Moyen-Âge. 811 Les arcs longs « modernes » sont généralement des arcs lamellés avec une section centrale rigide, alors que les arcs longs (pré)historiques étaient des arcs simples courbés sur toute leur longueur. Les arcs longs modernes ont un repose-flèche taillé dans la partie centrale de l’arc (à gauche ou à droite), mais dans les arcs longs anciens, c’est souvent sur la main de l’archer que reposait la flèche.

Le deuxième type d’arc simple est l’arc plat. Il est à peine plus court que l’arc long, mais sa partie centrale est différente. L’arc long a une forme circulaire ou en D. L’arc long anglais, par exemple, a un « dos » plat et un « ventre » bombé - le ventre étant le côté de l’arc qui est tourné vers l’archer. L’arc plat, au contraire est plat des deux côtés. L’arc long a des branches étroites et a généralement une poignée plus large, alors que l’arc plat a des branches plus larges et une poignée étroite. 12

Image : Un arc plat en frêne, fabriqué par Sagittaria Handcrafts.
Image : Un arc plat en frêne, fabriqué par Sagittaria Handcrafts.
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Dans les années 1930, des chercheurs américains ont cherché à déterminer la forme optimale d’un arc. Ils ont découvert à leur grande surprise que la forme en D de l’arc long (le seul modèle occidental historique connu à l’époque) ne serait pas la plus performante. 12 Au contraire, une partie centrale rectangulaire donne de meilleurs résultats en induisant une déformation plus uniforme sur toute la longueur de la branche, ce qui rend l’arc moins susceptible de se casser.

Cette découverte scientifique a conduit à la conception de l’arc plat américain (de loisir), que les scientifiques considéraient comme une nouveauté. 13 Et pourtant, dans les années 1940, des archéologues ont découvert le plus ancien arc préhistorique. Il s’agissait d’un arc plat - le Holmegaard dont nous avons parlé plus tôt. On estime l’âge de l’arc Meare Heath, découvert en 1961 à près de 4 500 ans. Il s’agissait également d’un arc plat. 1415 Les chercheurs américains avaient également négligé le fait que leur innovation était utilisée depuis des siècles par les Amérindiens. 12

Historiquement, la puissance des arcs simples de grande taille a servi au combat et à la chasse aux gros gibiers. Pour la chasse au petit gibier à courte distance, on se contentait d’arcs plus courts (appelés « petits arcs » ou « arcs à oiseaux »). Ces armes étaient moins puissantes, utilisaient des flèches plus courtes et plus légères (souvent avec des pointes de flèches émoussées). On les utilisait en tirant la corde vers la poitrine plutôt que vers l’oreille.

Image : Arcs anciens du continent africain, montrant la grande variété de tailles. Source: Leakey, Louis Seymour Bazett. « A New Classification of the Bow and Arrow in Africa. » The Journal of the Royal Anthropological Institute of Great Britain and Ireland 56 (1926) : 259-299
Image : Arcs anciens du continent africain, montrant la grande variété de tailles. Source: Leakey, Louis Seymour Bazett. « A New Classification of the Bow and Arrow in Africa. » The Journal of the Royal Anthropological Institute of Great Britain and Ireland 56 (1926) : 259-299
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Tension et compression

Pour qu’une branche d’arc puisse emmagasiner de l’énergie, le bois doit être à la fois solide (pour résister à la tension) et souple (pour résister à la compression). Si on tend trop un arc, il peut se passer deux choses. Dans le cas où le bois est plus fort en tension qu’en compression, comme souvent, les fibres de bois dans le ventre de l’arc se compriment et l’arc ne retrouve pas complètement sa forme initiale. Le bois dépasse alors sa limite d’élasticité et la puissance de l’arc est définitivement réduite. Au contraire, si le bois est plus résistant à la compression qu’à la tension, le fait de trop tendre l’arc se traduira par un éclatement du dos ou une rupture. 16

Certains bois sont particulièrement bien adaptés à la fabrication d’arcs. Les fabricants d’arcs du passé considéraient l’if comme l’un des meilleurs matériaux. 11 L’if pousse (lentement) un peu partout dans le monde. Son aubier (le bois blanc à l’extérieur de l’arbre, juste en dessous de l’écorce) est très résistant à la tension. Son duramen (le bois rouge qui constitue le centre) supporte très bien la compression. Dans un arc en if, on utilise donc l’aubier pour le dos et le duramen pour le ventre. 17 Un autre excellent bois d’arc est l’oranger des osages, originaire d’Amérique du Nord, mais qui peut se développer dans de nombreux climats. Seul le duramen est utilisé - les orangers des Osages ont une forte résistance à la flexion et une grande élasticité. 18 Ces deux types de bois résistent également très bien à la décomposition.

Image : Un arc simple en if, laissant apparaître le duramen et l’aubier, fabriqué par le maître artisan Jack Pinson, Under Warden, Irlande. Source : Living Longbows.
Image : Un arc simple en if, laissant apparaître le duramen et l’aubier, fabriqué par le maître artisan Jack Pinson, Under Warden, Irlande. Source : Living Longbows.
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Image : un arc plat en oranger des Osages, fabriqué par le maître artisan Simon Sieß. Il est pratiquement impossible de trouver une pièce droite d’oranger des Osages suffisamment longue pour un arc, car le bois est très tordu, plein de nœuds et d’épines. Le fabricant d’arc contourne ces imperfections. Source : Stonehill Primitive Bows.
Image : un arc plat en oranger des Osages, fabriqué par le maître artisan Simon Sieß. Il est pratiquement impossible de trouver une pièce droite d’oranger des Osages suffisamment longue pour un arc, car le bois est très tordu, plein de nœuds et d’épines. Le fabricant d’arc contourne ces imperfections. Source : Stonehill Primitive Bows.
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Cependant, l’if et l’oranger des Osages n’étaient pas les seuls bois utilisés, loin de là. On peut utiliser presque n’importe quel type de bois pour fabriquer un arc simple, même les bois les plus improbables. Plus que le choix du bois, il est important d’adapter la conception de l’arc aux capacités de compression et de tension de l’essence de bois en question. 19 Un arc fabriqué dans un bois de qualité inférieure peut être protégé contre la rupture ou le dépassement de sa limite d’élasticité en renforçant le bois sous la forme d’un arc plus long ou plus large. Les arcs fabriqués à partir de bois d’excellente qualité, tels que l’if et l’oranger des Osages, ont des branches très étroites, mais les arcs fabriqués à partir de bois plus faibles et moins élastiques peuvent fonctionner tout aussi bien avec des branches plus larges. Une section rectangulaire (en arc plat) est également préférable pour le bois moins adapté.

Comment fabriquer un arc simple

Un arc simple peut être fabriqué en quelques heures, sans compter le temps de séchage du bois. Une arme d’excellente facture demande du talent, mais n’importe qui peut se fabriquer un arc rudimentaire. Avant l’apparition des outils en métal, le bois était plus facile à travailler lorsqu’il était encore frais et vert. On laissait donc le bois sécher après que l’arc ait été en partie façonné. Une fois le bois séché, les finitions étaient faites au grattoir en pierre. Les auteurs de The Bowyer’s Bible (une série de livres qui a fait renaître l’intérêt pour le tir à l’arc traditionnel dans les années 1990) racontent une expérience. Ils rentrent dans une forêt les mains vides et en ressortent avec un arc dont la fabrication ne leur a pris que six heures avec des outils de l’âge de pierre : une pierre, une hache à bois faite à la main et un feu. 12

Sans outils en métal, abattre de grands arbres pour récupérer du bois demande beaucoup d’efforts. Certains Amérindiens ont mis au point une technique ingénieuse qui permettait de découper des arcs à partir de troncs et de branches d’arbres vivants. 20Ils pratiquaient deux entailles en forme de V aux extrémités supérieure et inférieure de la pièce prévue, qui était ensuite laissée dans l’arbre pendant plusieurs années en attendant qu’elle sèche. Enfin, avec un levier, ils arrachaient la pièce de l’arbre, puis façonnaient l’arc. On trouve encore des arbres anciens qui conservent les séquelles de cette méthode. Les fabricants d’arcs pouvaient se servir du même arbre pour en fabriquer pendant plusieurs siècles.

Image : Extraction d’arcs à partir d’arbres vivants. Source: Wilke, Philip J. « Bow staves harvested from Juniper trees by Indians of nevada. » Journal of California and Great Basin Anthropology 10.1 (1988) : 3-31
Image : Extraction d’arcs à partir d’arbres vivants. Source: Wilke, Philip J. « Bow staves harvested from Juniper trees by Indians of nevada. » Journal of California and Great Basin Anthropology 10.1 (1988) : 3-31
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Je n’ai trouvé aucune source mentionnant cette méthode dans d’autres régions, mais [le taillis et l’émondage] (https://solar.lowtechmagazine.com/2020/09/how-to-make-biomass-energy-sustainable-again.html) pourraient également fournir du bois d’arc sans nécessiter d’abattre des arbres entiers. Les ifs étaient souvent émondés. Une autre méthode consistait à les planter groupés de manière à ce qu’ils poussent droit pour que leur forme soit parfaite pour fabriquer des arcs. Avec l’apparition d’outils en métal, il est devenu plus facile de récolter le bois de l’arc et de le façonner. Par la suite, la plupart des arcs ont été fabriqués à partir de bois séché. Cependant, les outils essentiels des fabricants d’arcs traditionnels sont restés limités : une hache à main aiguisée, une râpe à bois et un grattoir. 11122122

Le modelage d’un arc simple consiste à suivre le grain et le comportement du bois. Si on utilise des rondins, la première étape consiste à les fendre en deux ou en quatre, en utilisant une cale de manière à ce que la fissure suive le sens du grain. Ce sont les bûches qui déterminent le style et la forme de chaque arc. Par exemple, si la pièce est tordue à un endroit, le modèle suivra cette torsion, ce qui donnera un arc partiellement torsadé. Le processus de fabrication d’un arc simple repose principalement sur le « tillering » : les branches de l’arc sont affinées de plus en plus en retirant du bois du côté du ventre, petit à petit, et en veillant à ne pas en retirer trop. Le dos de l’arc reste inchangé et suit l’anneau de croissance du bois. 1123

Image : Bois fraîchement découpé en pièces d’arcs. Source : Wikimedia Commons. Image de MartinFields (CC BY-SA 3.0).
Image : Bois fraîchement découpé en pièces d’arcs. Source : Wikimedia Commons. Image de MartinFields (CC BY-SA 3.0).
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Image : Un arc simple pendant sa fabrication par le maître artisan Jack Pinson, Under Warden. Irlande. Source : Living Longbows.
Image : Un arc simple pendant sa fabrication par le maître artisan Jack Pinson, Under Warden. Irlande. Source : Living Longbows.
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L’arc composite

L’arc composite s’oppose presque en tous points à l’arc simple. L’arc composite est constitué de plusieurs couches de matériaux collées ensemble, généralement du bois, de la corne et du tendon ou ligament animal, contrairement à l’arc simple qui en utilise le moins possible. L’arc est recouvert d’écorce ou de cuir et protégé par de la laque. L’arc composite n’est pas long et droit, mais un arc court (110 cm en moyenne) et presque toujours « recurve », c’est-à-dire dont les branches se courbent en direction de l’archer (« deflex ») ou à son opposé (« reflex »). 2425262728293031

Dans un arc composite, le bois sert principalement de structure pour la mise en place des autres couches. Le ventre de l’arc était constitué de corne (qui supporte très bien la compression) et le dos de tendon (qui a une très grande résistance à la traction). La corne était généralement prélevée sur un buffle domestique, très répandu dans les régions où l’arc composite était utilisé. Les tendons provenaient du dos des cerfs, des antilopes ou du bétail (morceaux épais situés de part et d’autre de la colonne vertébrale) ou du talon d’Achille du bétail.

La combinaison de ces matériaux offrant de meilleures performances que les meilleurs bois, un arc composite peut se courber davantage par rapport à sa longueur qu’un arc simple. C’est pour cette raison qu’on peut le fabriquer plus court qu’un arc simple à puissance égale, ce qui le rendait idéal pour tirer à cheval, puisque l’archer pouvait facilement tirer d’un côté puis de l’autre. L’arc composite était majoritairement utilisé par les archers à cheval, et l’arme est également connue sous le nom de « horse bow » (arc à cheval). Elle était également l’arme de prédilection de l’archer sur char, antérieur à l’archer à cheval.

Gauche : Arc composite tatare, montrant la forme avec et sans corde. Droite : Arc composite perse, présentant une courbure « reflex » extrême sans corde. Source: Balfour, Henry. « The Archer’s Bow in the Homeric Poems. » The Journal of the Royal Anthropological Institute of Great Britain and Ireland 51 (1921) : 289-309
Gauche : Arc composite tatare, montrant la forme avec et sans corde. Droite : Arc composite perse, présentant une courbure « reflex » extrême sans corde. Source: Balfour, Henry. « The Archer’s Bow in the Homeric Poems. » The Journal of the Royal Anthropological Institute of Great Britain and Ireland 51 (1921) : 289-309
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Image : Horse bow (avec et sans corde) fabriqué par le maître artisan Bjørn Schmidt. Source : Bjørn Schmidt.
Image : Horse bow (avec et sans corde) fabriqué par le maître artisan Bjørn Schmidt. Source : Bjørn Schmidt.
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Image : Une collection d’arcs composites de tailles variées. Source: Peter Dekker, Mandarin Mansion.
Image : Une collection d’arcs composites de tailles variées. Source: Peter Dekker, Mandarin Mansion.
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Il est probable que l’arc composite ait été inventé en Asie centrale, avant de se diffuser en Inde, en Afrique du nord, en Russie, en Europe de l’est, en Chine, en Corée et au Japon. La date d’invention de l’arc composite est inconnue. Les découvertes archéologiques les plus anciennes remontent à 3 000 av J.-C.,mais cette région offre des conditions de conservation moins favorables que l’Europe, où les archéologues ont trouvé les arcs simples les plus anciens. L’arc composite, contrairement à l’arc simple, qui est généralement une pièce droite dont seule la section centrale varie, existe dans une extraordinaire diversité de modèles. 25 De nombreux arcs composites étaient équipés de siyahs, des leviers inflexibles à l’extrémité des branches de l’arc, qui augmentaient davantage la longueur de traction et réduisaient la force musculaire nécessaire pour tirer.

Comment fabriquer un arc composite

L’arc composite offre de meilleures performances que l’arc simple. Les flèches qu’il tirent vont plus vite, plus loin, avec un effort réduit. Cependant, son utilisation nécessite plus de maîtrise et son processus de fabrication est très élaboré. La fabrication d’un arc composite nécessite 50 à 100 heures, réparties sur plusieurs mois, voire plusieurs années. 1625 Plus l’arc est puissant, plus il faut de temps pour le fabriquer. Le fabricant d’arcs plonge les tendons dans de la colle chaude et les pose sur l’arc dans le sens de la longueur. Il faut attendre que chaque couche de tendon sèche avant de pouvoir poser la suivante. Le fabricant d’arc tend progressivement l’arc de plus en plus loin, quelques centimètres à la fois, jusqu’à ce que les pointes de l’arc se touchent ou se croisent. Une fois l’arc terminé, il est durci sur un feu léger.

L’arc composite est également moins durable et nécessite plus d’entretien que l’arc simple. En raison de sa vulnérabilité à l’humidité, l’arc composite nécessite un entretien continu : il doit être gardé au chaud et au sec. Dans les climats froids, les archers enveloppaient leurs arcs dans des vêtements et dormaient avec. Quand ils le pouvaient, ils réchauffaient l’arc avec un feu avant de l’utiliser. Les Chinois (qui fabriquaient les plus grands arcs composites) utilisaient des meubles chauffants spéciaux pour conserver ou restaurer la forme recourbée perdue au cours de l’utilisation. Il fallait également protéger les arcs composites contre les animaux, qui mangeaient les parties en tendon et des vers qui pouvaient manger la corne. 2425 26 27 28 29 30 31 32

Image : fabrication d’un arc composite. Source inconnue. Via Mihkel Tammet.
Image : fabrication d’un arc composite. Source inconnue. Via Mihkel Tammet.
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Image : Un arc composite en cours de fabrication. Source : The modern reproduction of a Mongol era bow based on historical facts and ancient technology research. Jason Wayne Beever & Zoran Pavlović, EXARC Journal Issue 2017/02.
Image : Un arc composite en cours de fabrication. Source : The modern reproduction of a Mongol era bow based on historical facts and ancient technology research. Jason Wayne Beever & Zoran Pavlović, EXARC Journal Issue 2017/02.
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Le renforcement : entre l’arc simple et composite

Dans une certaine mesure, un arc simple peut bénéficier des avantages de l’arc composite. Rallonger ou élargir un arc n’est pas la seule technique permettant de fabriquer une arme puissante à partir d’un bois de qualité inférieure. L’autre méthode est le « backing », ou renforcement de l’arc. 3334 Elle consiste à coller un matériau très résistant à la traction sur le dos de l’arc, c’est-à-dire sur la face de l’arc orientée vers le côté opposé à l’archer. On peut utiliser, par exemple, du tendon comme dans l’arc composite. Cependant, d’autres matériaux fonctionnent aussi bien, voire mieux : le cuir brut, les intestins, la peau, la soie et de nombreuses fibres végétales telles que le lin, le chanvre ou le jute. Certains arcs renforcés étaient fabriqués en bois de cervidé renforcé par du tendon.

Le renforcement a permis de créer des modèles impossibles à réaliser uniquement en bois, tels que des arcs à la fois courts et puissants. Les peuples indigènes d’Amérique du Nord utilisaient souvent des arcs simples renforcés. 3536 Lorsque les Espagnols ont amené les chevaux sur le continent, les Amérindiens ont vite compris les avantages du tir à cheval et ont adapté leurs arcs en les rendant plus courts, entre 90 et 110 cm. Les arcs renforcés par des tendons sont une forme simplifiée de la construction asiatique à trois couches et partagent certains de ses inconvénients. Le renforcement augmente le temps de production d’un arc simple de huit à vingt heures, réparties sur une période de deux semaines à un mois, et un arc renforcé doit être protégé contre l’humidité.

On peut ajouter que la pose d’un renforcement était un moyen courant de réparer un arc simple. Si le dos d’un arc était abîmé, on pouvait y coller du cuir brut, du lin ou du tendon pour résoudre le problème. 34 Dans le cas où l’arc avait subi trop de tension, c’est-à-dire s’il avait dépassé sa limite d’élasticité, une autre technique pouvait être utilisée. Le fabricant d’arc inversait l’arc, le dos devenant le ventre, et appliquait le renforcement sur le nouveau dos (qui était auparavant le ventre).

Image : Un arc à branches larges renforcé par du tendon. Source : National Museum of the American Indian, Smithsonian.
Image : Un arc à branches larges renforcé par du tendon. Source : National Museum of the American Indian, Smithsonian.
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Image : [arc en genévrier style west coast] (https://primitive-bows.com/juniper-west-coast-style-bow-hld-no-7/), fabriqué par le maître artisan archer Simon Sieß. Seules les extrémités sont renforcées par des tendons. Source : Stonehill Primitive Bows.
Image : [arc en genévrier style west coast] (https://primitive-bows.com/juniper-west-coast-style-bow-hld-no-7/), fabriqué par le maître artisan archer Simon Sieß. Seules les extrémités sont renforcées par des tendons. Source : Stonehill Primitive Bows.
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Image : préparation des tendons Source : Making the sinew-backed bow, Jeff Martin, Primitive Lifeways.
Image : préparation des tendons Source : Making the sinew-backed bow, Jeff Martin, Primitive Lifeways.
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Image : renforcement au tendon. Source : Making the sinew-backed bow, Jeff Martin, Primitive Lifeways.
Image : renforcement au tendon. Source : Making the sinew-backed bow, Jeff Martin, Primitive Lifeways.
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L’arc renforcé par un câble

Confrontés à deux problèmes, les inuits ont développé une méthode de fabrication d’arcs des plus inventives. Premièrement, leur choix de bois était limité. Il n’avaient accès qu’à du bois flotté, de l’épicéa ou du sapin, des bois très cassants et peu élastiques. 1237 Deuxièmement, la colle animale se solidifie très vite au contact de l’air froid, la rendant difficile à utiliser. Les Inuits ont résolu ce problème en fabriquant des arcs à partir de matériaux tels que la corne de mouton, les bois de caribou et les fanons de baleine, qu’ils renforçaient avec du câble. Cette technique visait à utiliser des câbles de tendon qui étaient fixés le long des branches à l’aide d’un système élaboré de nœuds.

Le renfort était une corde épaisse et continue, faite de tendons, qui pouvait atteindre 45 mètres de long. Le fabricant d’arcs l’enroulait autour de l’une des pointes de l’arc, le passait le long du dos de l’arc, puis l’enroulait autour de l’autre pointe de l’arc, le passait à nouveau le long du dos, et ainsi de suite, jusqu’à ce que plusieurs dizaines de brins se trouvent sur l’arc. Les brins étaient ensuite tordus et fixés à l’arc par des nœuds parfois très complexes. De petites tiges plates servaient à tordre les cordes. On les utilisait par deux, en en tenant un dans chaque main pour maintenir la même torsion dans les deux. 1237

Tout renforcement doit être proportionnel à la masse de la branche le long de l’arc, ce qui signifie qu’il doit être plus épais au niveau de la poignée et plus fin vers les pointes de l’arc. Avec un renforcement collé, c’est facile à réaliser : il faut ajouter de nouvelles couches au milieu de l’arc. Cependant, il est difficile de réduire le diamètre d’un câble entre la poignée et l’extrémité. Les Inuits ont résolu ce problème en faisant passer une partie des câbles sur seulement une section de la branche. Jusqu’à une douzaine de fils s’étendent le long de l’arc.. La plupart des arcs simples renforcés par du câble étaient des arcs plats courts, d’une longueur maximale de 125 cm. 1237

Image : Arcs renforcés par du câble. Source: Murdoch, John. « A study of the Eskimo bows in the US National Museum. » Report of the United States National Museum for the year 1884.
Image : Arcs renforcés par du câble. Source: Murdoch, John. « A study of the Eskimo bows in the US National Museum. » Report of the United States National Museum for the year 1884.
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Image : Arcs renforcés par du câble. Source: Murdoch, John. « A study of the Eskimo bows in the US National Museum. » Report of the United States National Museum for the year 1884.
Image : Arcs renforcés par du câble. Source: Murdoch, John. « A study of the Eskimo bows in the US National Museum. » Report of the United States National Museum for the year 1884.
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Image : Arcs renforcés par du câble. Source: Murdoch, John. « A study of the Eskimo bows in the US National Museum. » Report of the United States National Museum for the year 1884.
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Image : Arcs renforcés par du câble. Source: Murdoch, John. « A study of the Eskimo bows in the US National Museum. » Report of the United States National Museum for the year 1884.
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Fixations en corde

Une autre méthode pour fabriquer un arc à partir de bois de qualité inférieure consistait à utiliser des cordes. La fixation en corde ne consiste pas à coller un support à l’arrière de l’arc ou à tendre des câbles d’un bout à l’autre, mais à enrouler le renforcement autour de l’arc.

L’arc Meare Heath en est un exemple connu. Découvert en 1961 dans les tourbières du Somerset, en Angleterre, il daterait de 2 690 av.J.-C. Cet arc plat de 6 cm de large et de 190 cm de long avait des attaches transversales et croisées en cuir et en tendon. Une réplique de l’arc réalisée avec des outils de l’âge de pierre a permis de constater qu’il s’agissait d’une excellente arme, surpassant les performances de l’arc long anglais apparu quelques milliers d’années plus tard. 15 Les fixations en corde ont continué à être utilisées au Moyen-Âge, également sur certains arcs composites. 11 Par exemple, les Hunza, en Afghanistan, enveloppent leurs arcs entièrement avec du tendon. 8

Pour finir, il y a l’arc japonais, le yumi, qui constitue une catégorie à part entière. Le yumi est un arc lamellé (composé d’au moins sept couches de bambou et de bois), mais sa construction et sa conception sont clairement influencées par l’arc composite. Le yumi se distingue par sa longueur (il peut dépasser deux mètres) et son assymétrie : la branche supérieure couvre les deux tiers de la longueur totale. La branche la plus longue permet de tirer plus loin, tandis que la branche la plus courte permet de tirer à cheval ou à genoux. Dans la fabrication d’un yumi, le fabricant d’arcs devait utiliser ses mains et ses pieds, travailler rapidement avec des colles à séchage rapide qui pouvaient être ramollies à nouveau dans une étuve. 8

Image : dessin de l’arc Meare Heath. Source: Clark, J. G. D. « Neolithic bows from Somerset, England, and the prehistory of archery in north-western Europe. » Proceedings of the Prehistoric Society. Vol. 29. Cambridge University Press, 1963.
Image : dessin de l’arc Meare Heath. Source: Clark, J. G. D. « Neolithic bows from Somerset, England, and the prehistory of archery in north-western Europe. » Proceedings of the Prehistoric Society. Vol. 29. Cambridge University Press, 1963.
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Image : Une réplique de l’arc Meare Heath, fabriquée par le maître artisan Greg Anderson. Source : North Wood Traditional Archery.
Image : Une réplique de l’arc Meare Heath, fabriquée par le maître artisan Greg Anderson. Source : North Wood Traditional Archery.
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Image : L’arc Penobscot. Une autre méthode pour fabriquer un arc à partir de bois de qualité inférieure. On augmente la puissance de l’arc en ajoutant une deuxième branche. Source : National Museum of the American Indian, Smithsonian.
Image : L’arc Penobscot. Une autre méthode pour fabriquer un arc à partir de bois de qualité inférieure. On augmente la puissance de l’arc en ajoutant une deuxième branche. Source : National Museum of the American Indian, Smithsonian.
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Faire pousser des flèches

Un arc seul n’est pas très utile en tant qu’arme. Il lui faut des munitions, qui prennent la forme de flèches. Le bois pour fabriquer des flèches était bien plus facile à trouver que celui des arcs. 113839 La plupart des epèces de bois font de bonnes flèches, et on peut utiliser du bois plus court. Les flèches mesuraient généralement moins d’un mètre de long, sauf dans les régions tropicales, où elles pouvaient être beaucoup plus longues. 40 Avant l’arrivée des outils métalliques, les hampes de flèches étaient fabriquées à partir de pousses et de jeunes arbres, ou de joncs, de bambou et de roseaux, en fonction de ce qu’on pouvait trouver localement. Ces matériaux ont déjà la forme de hampes de flèches et poussent en différentes longueurs et diamètres. 40

Les pousses et les jeunes arbres étaient décortiqués, dégrossis sur le feu, façonnés, puis séchés pendant quelques semaines ou quelques mois. Ces flèches étaient solides et relativement lourdes, ce qui augmentait la puissance et la pénétration. Les joncs, le bambou et les roseaux ne nécessitaient pas d’écorçage et étaient imperméables à l’eau sans traitement particulier. En revanche, ils étaient creux et beaucoup plus légers que les hampes fabriquées à partir de pousses et de jeunes arbres. Pour leur donner une force et une masse suffisantes, on insérait dans la tige creuse un autre élément à l’avant, en bois ou en os. L’encoche était renforcée pour éviter que la corde de l’arc ne fende la hampe de la flèche. 3839

Les outils de découpe en métal ont fait apparaître une nouvelle méthode, qui a permis de fabriquer des flèches à partir de bois scié. Des planches de bois sont découpées en petits carrés de la taille d’une flèche, puis leurs quatre coins sont rabotés, ce qui leur donne une forme octogonale. Ces hampes sont ensuite arrondies au papier de verre ou au grès. Le « Split Timber Shafting » a permis de réduire le temps de fabrication des hampes de flèches, de produire des flèches en grand nombre et d’améliorer leurs capacités balistiques. 383941

Image : Un jeu de flèches avec des pointes et des embouts en bois. Source : National Museum of the American Indian, Smithsonian
Image : Un jeu de flèches avec des pointes et des embouts en bois. Source : National Museum of the American Indian, Smithsonian
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Image : Répliques de flèches préhistoriques, fabriquées par le maître artisan Greg Anderson. Source : North Wood Traditional Archery.
Image : Répliques de flèches préhistoriques, fabriquées par le maître artisan Greg Anderson. Source : North Wood Traditional Archery.
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Image : Répliques de flèches médiévales, fabriquées par Heritage Longbows. Source : Heritage Longbows.
Image : Répliques de flèches médiévales, fabriquées par Heritage Longbows. Source : Heritage Longbows.
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Arcs et flèches d’Afrique. Source: Leakey, Louis Seymour Bazett. « A New Classification of the Bow and Arrow in Africa. » The Journal of the Royal Anthropological Institute of Great Britain and Ireland 56 (1926) : 259-299
Arcs et flèches d’Afrique. Source: Leakey, Louis Seymour Bazett. « A New Classification of the Bow and Arrow in Africa. » The Journal of the Royal Anthropological Institute of Great Britain and Ireland 56 (1926) : 259-299
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La hampe est l’élément structurant la flèche sur lequel sont attachés la pointe de la flèche, l’empennage et l’encoche. Historiquement, l’encoche était souvent taillée dans la hampe, parfois renforcée par de l’os, de la corne ou du bois dur. L’empennage se composait généralement de trois plumes, qui pouvaient provenir de plusieurs oiseaux (comme l’oie et la dinde). Elles étaient collées à la hampe et attachées avec un fil de tendon. 11

Les pointes de flèche étaient fabriquées à partir de nombreux matériaux, notamment la pierre, l’os, le bois de cerf, les dents et le métal (bronze, fer forgé, acier). Les pointes de flèches en métal sont apparues le plus récemment mais n’ont pas affiché de meilleures performances que les pointes de flèches fabriquées à partir de matériaux primitifs. Cependant, leur fabrication était plus rapide et plus économique. Les pointes en bois sont restées utilisées à travers l’histoire, en même temps que des matériaux plus durables mais nécessitant plus de travail. 42 La forme des pointes de flèche varie en fonction de leur utilisation et il en a existé des centaines de types différents. Les pointes de flèche étaient fixées à la hampe avec de la colle et une fixation en tendon, ou insérées dans une hampe creuse.

Réutilisation et réparation de flèches

La fabrication d’un jeu de flèches prend beaucoup plus de temps que la fabrication d’un arc simple. Cependant, il était courant que les archers réutilisent leurs projectiles. On ne peut pas tirer une balle avec une arme à feu, puis la remettre et la tirer une deuxième fois. Par contre, on peut tirer la même flèche indéfiniment. C’est évident pendant l’entraînement au tir, mais cela pouvait tout aussi bien arriver pendant la chasse et sur le champ de bataille. Une flèche pouvait être utilisée plusieurs fois par les deux camps au cours d’une bataille Elle pouvait être ramassée au sol ou extraite de corps d’ennemis ou de frères d’armes. 82843

En raison de leur grande valeur, même les flèches abîmées étaient récupérées pour être ensuite réparées. Des réparations limitées étaient effectuées au cours de la chasse ou de la bataille, et des réparateurs de flèches pouvaient être affectés aux armées, ce qui permettait d’augmenter les réserves de munitions. Si la hampe d’une flèche se cassait près de la pointe (un problème courant), on pouvait rapidement fabriquer une nouvelle flèche, légèrement plus courte, en y attachant une nouvelle pointe. Même si le projectile devenait trop petit pour un archer, il pouvait toujours servir à un autre archer ayant un arc plus petit. La tribu des Hazda, en Afrique, utilisait des flèches plus longues que nécessaire, qui étaient raccourcies plusieurs fois après avoir été cassées. 2

Si la hampe se cassait à un autre endroit, elle pouvait être réparée par une technique plus élaborée appelée « footing ». Cette technique, qui nécessitait des outils en métal, consistait à réaliser des jointures en queue de poisson. De plus, les pointes de flèches et les plumes pouvaient être réutilisées pour fabriquer de nouvelles flèches.

Image : Outils du fabricant de flèches. Source: Mason, Otis T. North American bows, arrows, and quivers. JM Carroll, 1893.
Image : Outils du fabricant de flèches. Source: Mason, Otis T. North American bows, arrows, and quivers. JM Carroll, 1893.
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Faire pousser de la corde d’arc

Avec un arc et des flèches, on n’a toujours pas une arme complète. Il manque la corde d’arc, qui fait le lien entre les deux. Comme pour les arcs et les flèches, il est possible de fabriquer des cordes à partir de nombreux matériaux différents, et il y a toujours une source de fibres adaptée à proximité. Historiquement, la plupart des cordes d’arc étaient fabriquées à partir de fibres végétales (chanvre, lin, asclépiade, ramie, ortie) ou animales (soie, tendon, cuir brut, boyau). On peut même en fabriquer à partir de cheveux humains. Les fabricants d’arcs peuvent faire pousser leur corde en cultivant du chanvre ou du lin, qui fournit également du matériel pour renforcer les arcs et pour produire de l’huile de lin - un produit de finition traditionnel pour les arcs et les flèches. 44

Le livre The Bowyer’s Bible consacre un long chapitre à la fabrication de cordes parfaitement utilisables sur le terrain, même dans les conditions les plus rudimentaires : « Arrachez une plante fibreuse du sol, arrachez une brindille d’un arbre (qui servira de fuseau) et avec cet équipement d’homme des cavernes, vous pourrez filer un fil plus fin et plus solide que si il était filé à la machine. Avec un peu d’entraînement, il faut environ une heure et demie pour filer une corde d’arc à l’aide d’un fuseau. En utilisant un rouet, on peut le faire en vingt minutes. Une fois le filage terminé, vous êtes à un quart d’heure de disposer d’une corde d’arc impeccable de la meilleure qualité ». 44

Il existe plusieurs façons de transformer un fil en corde d’arc. Le « fil sans fin » est le plus facile à réaliser. Enfoncez deux clous dans une planche de bois, la distance entre eux étant égale à la longueur de corde souhaitée (un peu plus courte que l’arc lui-même). Le fil est enroulé d’avant en arrière autour des clous jusqu’à ce que vous atteigniez le nombre de brins désiré (généralement 12 à 16 brins). Les deux extrémités sont ensuite nouées ensemble, renforcées par un autre fil et formées en boucles qui peuvent être attachées aux extrémités de l’arc. Dans certaines régions, les archers utilisaient des nœuds plutôt que des boucles pour attacher la corde à l’arc, ce qui leur permettait d’ajuster la longueur de la corde. 44

Image : Cordes d’arcs fabriquées par le maître artisan Greg Anderson. Source : North Wood Traditional Archery.
Image : Cordes d’arcs fabriquées par le maître artisan Greg Anderson. Source : North Wood Traditional Archery.
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Image : Une corde d’arc fabriquée par le maître artisan Jack Pinson, Under Warden. Irlande. Source : Living Longbows.
Image : Une corde d’arc fabriquée par le maître artisan Jack Pinson, Under Warden. Irlande. Source : Living Longbows.
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Faut-il faire des armes durables ?

Les arcs et flèches historiques et préhistoriques étaient entièrement fabriqués à partir de matériaux naturels et disponibles localement. Ceux-ci provenaient de plantes et d’arbres (bois, jonc, bambou, lin), d’animaux (tendons, os, plumes, colle) et de minéraux (pierres et pointes de métal). Aujourd’hui, comme il y a 10 000 ans, on peut se rendre les mains vides dans une forêt ou tout autre milieu naturel et en ressortir avec une arme opérationnelle. Même les outils nécessaires à sa fabrication se trouvent dans la nature. La fabrication est entièrement assurée par l’humain, avec l’aide occasionnelle d’un feu. Les munitions sont réutilisables, réparables et recyclables.

On peut donc se poser des questions. D’abord, faut-il fabriquer des armes renouvelables ? L’utilisation des arcs et des flèches sont un exemple parfait de ce qu’on appelle aujourd’hui « l’économie circulaire ». Au contraire, la fabrication des armes à feu modernes dépend d’une chaîne d’approvisionnement extrêmement complexe, mondialement interconnectée et interdépendante, composée de mines, d’usines, de systèmes de transport et d’énergie, de combustibles fossiles et d’éléments de l’économie tels que la finance et les technologies de la communication. Les matériaux nécessaires à la fabrication des armes à feu modernes sont rarement disponibles localement ou naturellement, et la production génère des déchets et des émissions polluantes. Il en va de même pour les arcs et les flèches modernes fabriqués en métal, en plastique et en matériaux composites synthétiques.

Deuxièmement, s’il est relativement facile de fabriquer des armes mortelles, en particulier des arcs simples, pourquoi ne sommes-nous pas confrontés à des vagues de violence à l’arc comparables à celles des armes à feu ? Les armes à feu imprimées en 3D et les « armes fantômes » (armes à feu non enregistrées fabriquées à partir de pièces détachées anonymes) suscitent beaucoup d’inquiétude, mais quelle est la différence avec le fait d’entrer dans une forêt les mains vides et d’en ressortir avec une arme capable de tuer un éléphant ? De nos jours, on choisit de plus en plus des matériaux locaux. On peut fabriquer un arc avec n’importe quel matériau flexible et des pointes de flèche à partir de verre de fenêtre ou de bouteille, de composants électroniques ou de vieilles lames de scie. 16 L’utilisateur d’une arme à feu ne pourras jamais d’atteindre l’autosuffisance d’un archer de l’ère préindustrielle.

Troisièmement, si les armes à feu modernes dépendent des combustibles fossiles et d’une chaîne d’approvisionnement mondiale, que se passera-t-il si ces conditions disparaissent ? Les armes à feu artisanales et low-tech peuvent-elles rivaliser avec les arcs longs, les arcs plats et les arcs composites ? Dans l’article suivant, j’essaie de répondre à ces questions et de présenter une proposition : « Et si nous remplacions les fusils et les balles par des arcs et des flèches ?] (https://solar.lowtechmagazine.com/2022/11/what-if-we-replace-guns-and-bullets-with-bows-and-arrows.html) ».


  1. Bergman, Christopher A. « The development of the bow in Western Europe: a technological and functional perspective. » Archeological Papers of the American Anthropological Association 4.1 (1993) : 95-105. https://anthrosource.onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1525/ap3a.1993.4.1.95 ↩︎

  2. Cattelain, Pierre. « Hunting during the Upper Paleolithic: bow, spearthrower, or both?. » Projectile technology. Springer, Boston, MA, 1997. 213-240. ↩︎ ↩︎

  3. Meadows, John, et al. « Dating the lost arrow shafts from Stellmoor (Schleswig-Holstein, Allemagne). » (2018) : 105-114. https://quartaer.obermaier-gesellschaft.de/pdfs/2018/2018_05_meadows.pdf ↩︎

  4. Lombard, Marlize, et John J. Shea. « Did Pleistocene Africans use the spearthrower‐and‐dart?. » Evolutionary Anthropology : Issues, News, and Reviews 30.5 (2021) : 307-315 ↩︎ ↩︎

  5. https://en.wikipedia.org/wiki/Spear-thrower ↩︎

  6. Grund, Brigid Sky. « Behavioral ecology, technology, and the organization of labor: How a shift from spear thrower to self bow exacerbates social disparities. » American Anthropologist 119.1 (2017) : 104-119. https://anthrosource.onlinelibrary.wiley.com/doi/am-pdf/10.1111/aman.12820 ↩︎

  7. Deuxième partie de cet article : « What if we replace guns and bullets by bows and arrows? ». ↩︎ ↩︎

  8. Loades, Mike. War Bows: Longbow, crossbow, composite bow and Japanese yumi. Bloomsbury Publishing, 2019. ↩︎ ↩︎ ↩︎ ↩︎ ↩︎

  9. Baker, Tim. « Bows of the world ». « The Traditional Bowyer’s Bible, Volume Three. » 1994. 43-98 ↩︎

  10. https://www.primitiveways.com/Otzi’s_bow.html ↩︎

  11. Roth, Erik. With a Bended Bow: Archery in Mediaeval and Renaissance Europe. The History Press, 2011. ↩︎ ↩︎ ↩︎ ↩︎ ↩︎ ↩︎ ↩︎

  12. Hamm, Jim. « The Traditional Bowyer’s Bible, Volume Three. » 1994. ↩︎ ↩︎ ↩︎ ↩︎ ↩︎ ↩︎ ↩︎ ↩︎ ↩︎

  13. « Archery: The Technical Side » Edited by C. N. Hickman, Forrest Nagler & Paul E. Klopsteg, 1939. ↩︎

  14. Clark, J. G. D. « Neolithic bows from Somerset, England, and the prehistory of archery in north-western Europe. » Proceedings of the Prehistoric Society. Vol. 29. Cambridge University Press, 1963. Voir aussi : Comstock, Paul. « Ancient European Bows ». The Traditional Bowyers Bible (1993) : 113-154. ↩︎

  15. Prior, Stuart. « The skill of the neolithic bowyers—reassessing the past through experimental archaeology. » Somerset archaeology. Papers to mark 150 (2000) : 19-24. https://www.somersetheritage.org.uk/downloads/publications/150years/HES_150_Years_Chapter_4.pdf ↩︎ ↩︎

  16. Hamm, Jim. « The Traditional Bowyer’s Bible, Volume One. » (1992). ↩︎ ↩︎ ↩︎

  17. Strunk, John. « Yew Longbow. » The traditional bowyer’s bible, Volume One.(1992) : 117-130 ↩︎

  18. Hardcastle, Ron. « Osage Flat Bow. » The traditional bowyer’s bible, Volume One. (1992) : 131-148 ↩︎

  19. Comstock, Paul. « Other Bow Woods ». The traditional bowyer’s bible, Volume One. (1992) :149-164. ↩︎

  20. Wilke, Philip J. « Bow staves harvested from Juniper trees by Indians of nevada. » Journal of California and Great Basin Anthropology 10.1 (1988) : 3-31. https://escholarship.org/content/qt4v5249w9/qt4v5249w9.pdf ↩︎

  21. Clay Hayes, Traditional Bowyer’s Handbook: How to Build Wooden Bows and Arrows. ↩︎

  22. Comstock, Pail. « Tools ». The Traditional Bowyer’s Bible, Vol. 3. Globe Pequot, 1994 : 17-42 ↩︎

  23. Hamm, Jim. « Tillering ». The traditional bowyer’s bible, Volume One. (1992) : 257-287 ↩︎

  24. Randall, Karl Chandler. Origins and Comparative Performance of the Composite Bow. Diss. University of South Africa, 2016. https://core.ac.uk/download/pdf/79170491.pdf ↩︎ ↩︎

  25. Loades, Mike. The Composite Bow. Bloomsbury Publishing, 2016. ↩︎ ↩︎ ↩︎ ↩︎

  26. Balfour, Henry. « On the structure and affinities of the composite bow. » The Journal of the Anthropological Institute of Great Britain and Ireland 19 (1890) : 220-250 ↩︎ ↩︎

  27. Nieminen, Timo A. « The Asian war bow. » arXiv preprint arXiv:1101.1677 (2011). ↩︎ ↩︎ ↩︎

  28. Hurley, Vic. Arrows against steel: the history of the bow and how it forever changed warfare. Cerberus Books, 2011. ↩︎ ↩︎ ↩︎

  29. Grayson, Bert. « Composite bows. » The Traditional Bowyers Bible, Volume Two (1993) : 113-154. ↩︎ ↩︎

  30. Schmidt, Jeff. « Korean archery ». The Traditional Bowyer’s Bible, Volume Three. 1994 : 99-114 ↩︎ ↩︎

  31. https://www.mandarinmansion.com/article/qing-bow-glossary ↩︎ ↩︎

  32. http://www.manchuarchery.org/content/composite-bow-care-and-maintenance  ↩︎

  33. Hamm, Jim. « Sinew-backing ». The traditional bowyer’s bible (1992) : 213-232 Voir aussi : Comstock, Paul. « Other backings ». The traditional bowyer’s bible (1992) : 233-257 ↩︎

  34. Bergman, Christopher A., and Edward McEwen. « Sinew-reinforced and composite bows. » Projectile Technology. Springer, Boston, MA, 1997. 143-160. ↩︎ ↩︎

  35. Allely, Steve. « Eastern Indian Bows ». The traditional bowyer’s bible volume one (1992) : 165-194 Herrin, Al. « Eastern Woodland Bows ». The traditional bowyer’s bible volume two (1993) : 51-80 Hamm, Jim. « Plains Indian Bows ». The traditional bowyer’s bible volume 3 (1994) : 115-142 ↩︎

  36. Edinborough, Kevan Stephen Anthony. Evolution of bow-arrow technology. University of London, University College London (United Kingdom), 2005. ↩︎

  37. Murdoch, John. « A study of the Eskimo bows in the US National Museum. » Report of the United States National Museum for the year 1884 (Pt. 2 of the Annual Report of the Board of Regents of the Smitshonian Institution for the year 1884) (1884). https://repository.si.edu/bitstream/handle/10088/29824/1884_Murdoch_307-316.pdf?sequence=1&isAllowed=y ↩︎ ↩︎ ↩︎

  38. Massey, Jay. « Self arrows ». The traditional bowyer’s bible, volume one (1992) : 299-320 ↩︎ ↩︎ ↩︎

  39. Lotz, Mickey. « Arrows of the world ». The traditional bowyer’s bible, volume four (2008) : 213-254 ↩︎ ↩︎ ↩︎

  40. Les flèches d’arc long pesaient généralement entre 70 et 90 grammes, tandis que les flèches d’arc composite pesaient entre 20 et 40 grammes. Les grands arcs composites, comme l’arc mandchou, tiraient des flèches de 100 g. 27 Les flèches mesuraient entre 45 et 150 cm selon la culture et les matériaux disponibles. Par exemple, les Sud-Américains utilisaient de longues flèches dans la jungle, afin de retrouver leurs flèches et de ne pas dévier la flèche dans les sous-bois. 12 ↩︎ ↩︎

  41. Sadło, Maciej. « Experimental Studies in the Field of Ballistics on Different Types of Arrow Shafts. » Chronika, Volume XI (2021) : 76. http://www.chronikajournal.com/resources/Chronika%20volume%2011.pdf#page=82 ↩︎

  42. Waguespack, Nicole M., et al. « Making a point: wood-versus stone-tipped projectiles. » Antiquity 83.321 (2009) : 786-800 ↩︎

  43. Dougherty, Martin J. The Medieval Warrior: Weapons, Technology and Fighting Techniques: AD 1000-1500. Lyons Press, 2011. ↩︎

  44. Baker, Tim. « Strings », The traditional bowyer’s bible volume two (1993) : 187-259 ↩︎ ↩︎ ↩︎