Il peut être tentant d’installer une mini éolienne sur son toit ou dans son jardin. Mais malheureusement, elles produisent à peine assez d’électricité pour allumer une ampoule.
Elles ne fonctionnent plus bien avant d’être rentables et, dans les zones urbaines, elles ne fourniront même pas l’équivalent de l’énergie nécessaire à leur production. C’est triste, mais vrai.
Le problème, ce n’est pas les éoliennes… C’est le vent
Les mini éoliennes existent depuis quelques décennies, mais ces dernières années, les chercheurs s’intéressent au potentiel qu’elles pourraient avoir dans un environnement urbain (où vit une grande partie de la population). Il n’est pas facile de garder le fil des nombreux nouveaux modèles qui font leur apparition et sont destinés à être placés sur un toit ou sur un mât dans un jardin.
Les mini éoliennes sont de plus en plus tendance en zones bâties. Les éoliennes ont toujours eu besoin d’un vent très fort et régulier. Elles s’installent de préférence sur des terrains dégagés, le plus haut possible, sans obstacle aux alentours.
Dans les villes, cependant, ce n’est pas possible. Pourtant, les créateurs d’éoliennes urbaines prétendent tous avoir inventé une éolienne « révolutionnaire », créée spécialement pour les vents faibles des villes.
La plupart de ces éoliennes ne sont pas encore disponibles sur le marché, il est donc difficile de vérifier le bien-fondé de ces affirmations. Parmi les rares qui le sont, on peut citer l’« Energy Ball », un produit venant des Pays-Bas également vendu chez leurs voisins belges.
Cette éolienne est fabriquée par la société « Home Energy » (Extrait de leur site web en anglais, français et suédois.) L’Energy Ball, qui peut être placée sur un toit ou sur un mât dans un jardin, fournirait plus d’énergie qu’une éolienne traditionnelle et serait capable de produire de l’électricité avec des vents très faibles de 2 mètres par seconde (Beaufort 2).
Le secret derrière ces résultats est « l’effet Venturi », inspiré des courants de rivières. Grâce à ses « caractéristiques aérodynamiques uniques et exceptionnelles », l’éolienne crée un flux de vent qui « converge d’abord et accélère ensuite grâce au rotor ». De plus, Home Energy qualifie l’Energy Ball de « jolie » et « inaudible », répondant alors aux problèmes de pollution sonore et visuelle qu’on reproche aux éoliennes urbaines.
Rendement énergétique : 100 kWh par an
Tout cela paraît prometteur, mais est-ce bien réel ? Home Energy indique que l’Energy Ball peut fournir 500 kilowatts-heures d’électricité par an, soit 15 à 20 % de la consommation d’électricité d’un ménage néerlandais moyen (qui consomme 3 567 kWh par an). Mais ces affirmations se fondent sur un vent moyen de 7 mètres par seconde (Beaufort 4), ce qui est très optimiste.
Si l’on se fie à la carte des vents des Pays-Bas ci-dessous (ces données sont introuvables sur le site web de Home Energy), on constate que la vitesse moyenne du vent sur terre (à une hauteur de 10 mètres) n’est que de 4,3 mètres par seconde.
N’oublions pas que la Hollande est un pays où il y a beaucoup de vent. Seule une petite partie du littoral enregistre une vitesse moyenne des vents de 7 mètres par seconde. En Belgique, le vent côtier n’excède pas les 6 mètres par seconde.
Avec un vent d’une vitesse moyenne de 4 mètres par seconde, la production annuelle d’électricité de l’Energy Ball ne s’élève qu’à 100 kilowatts-heures (Chiffre disponible sur leur site web), soit 3 à 4 %, et non 15 à 20 %, de la consommation annuelle en électricité d’un ménage néerlandais moyen (100 kilowatt-heures correspondent à une consommation continue de 11 watts). Les obstacles comme les arbres et les bâtiments peuvent diminuer davantage les rendements à certains endroits.
Durée de rentabilité : 50 à 750 ans
Un prix réduit compenserait la très faible production en électricité de l’Energy Ball. Après tout, comme l’indique Home Energy, on peut utiliser plusieurs éoliennes en même temps. Cependant, une Energy Ball coûte environ 5 000 euros, tout compris. Si notre ménage néerlandais moyen veut couvrir 15 % de sa consommation énergétique avec des éoliennes, il lui faudrait au moins 5 Energy Balls. Coût global : 25 000 euros. Si ce ménage veut subvenir à tous ses besoins avec l’énergie éolienne, il devra acheter 30 Energy Balls pour un total de 150 000 euros.
La production énergétique de l’Energy Ball se base sur un vent d’une vitesse moyenne 7 mètres par seconde, ce qui est irréaliste en milieu urbain
En combien de temps l’Energy Ball est-elle rentable ? Home Energy précise sur son site web que la durée de rentabilité dépend de l’investissement initial, du rendement annuel et du prix actuel du kilowatt-heure. Il serait pourtant plus correct de dire que l’Energy Ball ne sera jamais rentabilisée.
Le prix du kilowatt-heure d’électricité varie considérablement à échelle internationale et nationale, mais imaginons qu’il est à 0,20 euro, le prix moyen et relativement élevé de l’électricité aux Pays-Bas, soit trois fois le prix de l’électricité aux États-Unis). Si l’on se base également sur un vent moyen très optimiste de 7 mètres par seconde (ce qui correspond à une production de 500 kilowatts-heures), il faudra attendre 50 ans avant de voir ses premiers retours sur investissement. Si l’on considère un vent plus réaliste de 4 mètres par seconde, le temps de retour sur investissement sera de 250 ans. Au prix moyen de l’électricité aux États-Unis, le temps de retour sur investissement est de 750 ans.
Garantie de 2 ans
Bien sûr, les prix de l’électricité peuvent augmenter, et l’Energy Ball peut devenir moins chère à produire. Si l’électricité coûte 1 euro par kilowatt-heure, l’Energy Ball sera rentabilisée en 10 ans (avec la vitesse de vent la plus optimiste de 7 m/s) ou en 50 ans (avec une vitesse de vent plus réaliste de 4 m/s). Si Home Energy réduit également de moitié le prix de vente, le temps de retour sur investissement serait alors de 5 ans (avec un vent rapide) ou de 25 ans (avec un vent plus réaliste). Pourtant, même dans ces cas hypothétiques, le temps de retour sur investissement n’est que spéculatif.
Selon le fabricant, l’Energy Ball a une durée de vie de 20 ans. Mais, ce n’est qu’une promesse. L’éolienne dispose d’une garantie de 2 ans seulement. Les panneaux solaires, eux, sont garantis pendant au moins 20 ans. Contrairement aux panneaux solaires, les éoliennes sont constituées de pièces mécaniques mobiles, ce qui accroît les risques de casse.
Énergie grise
Les défenseurs des éoliennes domestiques admettent parfois que les rendements ne sont pas très impressionnants. Mais ils affirment tout de même que l’achat d’une petite éolienne est un choix judicieux pour l’environnement, mais vraisemblablement insensé d’un point de vue financier. Tout semble plutôt raisonnable, mais on oublie quelque chose : l’énergie requise pour fabriquer et installer ces éoliennes.
Pendant leur fabrication, les éoliennes urbaines nécessitent moins d’énergie que les panneaux solaires, mais puisqu’elles ont aussi des rendements et des espérances de vie bien plus faibles, leur empreinte énergétique est encore pire. Selon un rapport récent du UK Carbon Trust, le temps de retour énergétique d’une éolienne installée en milieu urbain est presque toujours supérieur à 20 ans.
En d’autres termes, une mini éolienne implantée en ville ne produira jamais assez d’énergie pour compenser celle qui a été nécessaire à sa fabrication et à son installation. Installer une éolienne urbaine serait en réalité nuisible à l’environnement. En revanche, le temps de retour énergétique d’une grande éolienne est inférieur à un an.
Physique du vent
Les experts en écotechnologie répondront que si l’Energy Ball est un échec, d’autres projets peuvent faire mieux. Malheureusement, le problème ce n’est pas les éoliennes… C’est le vent. Les Néerlandais construisent des moulins à vent depuis très longtemps. Il y a donc de fortes chances que l’Energy Ball dépasse ses concurrents.
En doublant la vitesse du vent, on multiplie par 8 la puissance éolienne. La conception d’une éolienne ne fait pratiquement aucune différence
La vitesse du vent a une influence bien plus grande sur la production énergétique que la configuration de l’éolienne. Pour calculer la puissance du vent, il faut multiplier la densité de l’air, la surface balayée et le cube de la vitesse du vent. En doublant le rayon du rotor d’une éolienne, on multiplie par 4 la puissance du vent.
En doublant la vitesse du vent, on multiplie par 8 la puissance éolienne. Une éolienne fournit 5,36 fois plus d’énergie pour un vent moyen de 7 mètres par seconde que pour un vent moyen de 4 mètres par seconde. Le design d’une éolienne ne fait pratiquement aucune différence.
Vitesse de démarrage
Lorsque les vents sont lents, même de très petits changements peuvent faire une énorme différence. Selon le Carbon Trust, la vitesse de démarrage d’une mini éolienne (le moment où elle commence à produire de l’énergie) se situe entre 3 et 4 mètres par seconde, ce qui est proche de la vitesse moyenne du vent sur terre dans des pays plutôt venteux comme la Belgique et les Pays-Bas.
Un test réalisé par le Carbon Trust (voir les graphiques ci-dessous) a montré qu’une éolienne soumise à un vent moyen de 4,5 mètres par seconde produisait 7 fois plus d’énergie qu’une éolienne soumise à un vent moyen de 3 mètres par seconde, car cette dernière n’atteint pas sa vitesse de déclenchement et reste donc inactive la majorité du temps.
Alors que les grandes éoliennes ont un facteur de charge moyen allant de 28 à 35 %, les mini éoliennes n’atteignent que 15 à 20 % de leur capacité en zones rurales et seulement 10 % en zones urbaines.
Home Energy prétend que la vitesse de démarrage de l’Energy Ball est inférieure à 2 mètres par seconde, mais c’est tout simplement faux. Et ils le savent très bien : dans la section « Q&A » de leur site web néerlandais, ils admettent que l’éolienne commence à tourner à partir de 2 mètres par seconde, mais ne commence à fournir de l’énergie qu’à partir de 3 mètres par seconde.
Hauteur
La hauteur est un facteur important lié à la vitesse : plus la hauteur est grande, plus la vitesse du vent est constante. C’est la raison pour laquelle les éoliennes classiques sont très grandes et que le phénomène des éoliennes flottantes suscite tant d’intérêt.
C’est aussi la raison pour laquelle le potentiel des mini éoliennes est généralement surestimé. Si vous voyez une carte des vents, il y a de fortes chances qu’elle se base sur la vitesse du vent à 75 mètres de hauteur ou plus, ce qui révèle alors le potentiel des éoliennes traditionnelles. Les cartes des vents indiquant la vitesse du vent à une hauteur de 10 mètres sont beaucoup plus difficiles à trouver.
Les éoliennes urbaines sont, par définition, proches du sol, là où la vitesse du vent est la plus faible.
Bien sûr, vous pouvez placer votre éolienne urbaine sur un mât de 100 mètres de haut, mais une telle structure augmenterait l’empreinte carbone de la machine.
Installer des éoliennes sur un gratte-ciel n’est pas non plus d’une grande utilité : la vitesse du vent est beaucoup plus élevée, mais le toit reste bien trop petit pour installer une éolienne pour chaque foyer vivant dans l’immeuble.
Quelles solutions ?
Le problème principal des éoliennes urbaines est qu’elles produisent de l’électricité à partir d’une source de qualité inférieure. Sur un toit en zones bâties, la vitesse du vent est faible et irrégulière. S’il est possible d’imaginer mille façons de modifier une éolienne urbaine, le vent, lui, ne peut être changé.
La majorité des cartes des vents indiquent la vitesse du vent à une hauteur de 75 mètres ou plus
Installer une grande éolienne, plutôt qu’une mini éolienne, restera donc toujours un meilleur choix (sur le plan économique et écologique). C’est triste, mais vrai. Ce n’est pas le cas des panneaux solaires.
Des bâtiments (ou des arbres) peuvent faire de l’ombre aux panneaux solaires en ville, mais si cela peut être évité, capter l’énergie solaire depuis votre toit n’est pas moins efficace que de la capter depuis une centrale photovoltaïque.Étant donné qu’il est impossible d’améliorer considérablement la puissance fournie par les éoliennes urbaines, la seule façon de développer l’énergie éolienne décentralisée est la fabrication de dispositifs beaucoup moins chers et, surtout, ayant une empreinte carbone bien moins élevée et/ou une durée de vie infiniment plus longue.
Update : Les mini éoliennes mises à l’épreuve
Il semble que nous ayons été trop gentils à l’égard de l’Energy Ball. Un test en conditions réelles réalisé par la province néerlandaise de Zeeland (une région très exposée au vent) confirme notre conclusion selon laquelle les mini éoliennes sont une technologie fondamentalement imparfaite.
L’Energy Ball obtient le plus mauvais score de toutes, avec un rendement énergétique de seulement 73 kWh par an, encore moins que notre pire scénario. Les autres mini éoliennes ne font pas beaucoup mieux. Consultez l’article ici.