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Les véhicules à gazogène : du bois dans le réservoir

Au cours de la Seconde Guerre Mondiale, la quasi-totalité des véhicules motorisés en Europe continentale furent convertis pour pouvoir être alimentés au bois.

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Au cours de la Seconde Guerre Mondiale, la quasi-totalité des véhicules motorisés en Europe continentale furent convertis pour pouvoir être alimentés au bois. Les voitures au « gaz de bois », connues sous le nom de « véhicules à gazogène » (du nom de l’appareil utilisé pour produire ce carburant) offrent une alternative certes peu élégante mais étonnamment efficiente et écologique à leurs homologues à essence (pétrole), pour une autonomie équivalente à celle des voitures électriques actuelles. Tombée dans l’oubli, cette technologie a connu récemment un regain d’intérêt à l’aune de l’augmentation des prix du carburant ainsi que des enjeux liés au réchauffement climatique : un peu partout dans le monde, des dizaines d’ingénieux bricoleurs conduisent des « gazomobiles » (en anglais, woodmobiles) qu’ils ont fabriquées eux-mêmes. 1

La gazéification du bois est un procédé de pyrolyse au cours duquel des matières organiques ou carbonées (bois, charbon, anthracite) sont transformées en gaz combustible sous l’action d’une température élevée – le processus atteint généralement 1 400°C (soit 2 550°F), entretenant ainsi dans le matériau une combustion lente, sans apport d’oxygène. La première utilisation d’un gazogène remonte aux années 1870, époque à laquelle le gaz de bois précéda le recours au gaz naturel pour l’éclairage public et la cuisson domestique.

C’est dans les années 1920 que l’ingénieur allemand Georges Imbert développa un modèle de gazogène pour des usages mobiles. Une fois refroidis et épurés des particules issues du procédé, les gaz alimentaient le moteur à combustion du véhicule, sans que (presque) aucune modification technique ne soit nécessaire. Le gazogène Imbert fut produit en série à partir de 1931. À la fin de cette même décennie, on comptait 9 000 véhicules à gazogène en utilisation, presque exclusivement en Europe.

La Seconde Guerre Mondiale

Cette technologie devint courante dans de nombreux pays européens au cours de la Seconde Guerre Mondiale, en conséquence directe du rationnement imposé sur les carburants fossiles. A la fin du conflit, l’Allemagne comptait ainsi à elle seule pas moins de 500 000 véhicules à gazogène en fonctionnement.

Un réseau de quelques 3000 « stations-services » fut mis en place, dans lesquelles les conducteurs pouvaient se ravitailler en bois. Furent ainsi équipés d’un système de gazéification non seulement des voitures individuelles, mais également des camions, bus, tracteurs, motos, bateaux, et même des trains. Certains chars furent eux aussi un temps alimentés au gaz de bois, même si, pour les usages militaires, les allemands privilégiaient la production de carburants synthétiques liquides (à partir de bois, de charbon ou de lignite).

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En 1942 (alors que la technologie n’avait pas encore atteint son pic de popularité) on comptait environ 70 000 véhicules à gazogène en Suède, 65 000 en France, 10 000 au Danemark, 9 000 en Autriche et Norvège, et pas loin de 8 000 en Suisse. De son côté, la Finlande disposait en 1944 de 43 000 gazomobiles, dont 7 000 véhicules privés, 4 000 tracteurs et 600 bateaux (source).

Les gazomobiles firent aussi leur apparition aux Etats-Unis, en Asie et, surtout, en Australie, qui comptait pas moins de 72 000 véhicules alimentés au gaz de bois (source). Au total, on estime à plus d'1 million le nombre de véhicules à gazogène ayant été utilisés pendant la Seconde Guerre Mondiale.

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Après la guerre pourtant, la technologie tomba presque instantanément dans l’oubli quand l’essence devint à nouveau disponible. Au début des années 1950, l’Allemagne de l’Ouest ne comptait plus que 20 000 gazomobiles.

Un programme de recherche suédois

L’augmentation constante des prix du carburant autant que les préoccupations liées au réchauffement climatique ont suscité un regain d’intérêt pour l’utilisation du bois comme carburant « direct ». Aux quatre coins du globe, des dizaines d’ingénieurs amateurs ont alors converti eux-mêmes des voitures traditionnelles en véhicules à gazogène, la majorité de ces gazomobiles contemporaines ayant vu le jour en Scandinavie.

En 1957, le gouvernement Suédois lança un programme de recherche afin d’anticiper une conversion rapide de son parc automobile au gaz de bois en cas de pénurie de pétrole. La Suède ne dispose en effet d’aucune réserve de pétrole, mais elle a en revanche sur son territoire de vastes étendues forestières potentiellement mobilisables pour la production de carburant. Ces recherches avaient comme objectif de développer une version à la fois perfectionnée et standardisée d’installation gazogène, pouvant être adaptée sur tous types de véhicules.

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Soutenue par le constructeur automobile Volvo, ce projet de recherche et développement donna lieu à d’important transferts de connaissances théoriques, ainsi qu’à des expériences en situation réelle sur plusieurs véhicules routiers (illustration de l’une d’entre elles ci-dessus) et tracteurs, sur une distance cumulée de plus de 100 000 kilomètres (62 000 miles). Une synthèse des résultats obtenus, publiée en 1986, est exposée dans un document de la FAO, qui examine par ailleurs les résultats d’expérimentations menées dans d’autres pays. Ces précieuses données ont permis à des ingénieurs suédois (aperçu ici) et surtout finlandais de poursuivre en amateur le développement de cette technologie (aperçu ici, ci-dessous un véhicule conçu par Juha Sipilä).

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Un gazogène – dispositif d’ apparence similaire à un chauffe-eau relativement grand – peut être installé soit sur une remorque (ce qui rend cependant le véhicule difficile à garer), soit dans le coffre lorsqu’il s’agit d’une voiture (ce qui utilise quasiment tout le volume disponible), ou encore sur une plateforme fixée à l’avant ou à l’arrière du véhicule (cette dernière option était la plus répandue en Europe). Dans le cas d’un pick-up américain, le gazogène est installé sur la plateforme ouverte, à l’arrière. Pendant la Seconde Guerre Mondiale, certains véhicules furent même équipés d’un gazogène intégré, totalement dissimulé au regard.

Le carburant

Le carburant d’une voiture à gazogène se compose de bois ou de copeaux (image ci-dessous). Il est également possible d’utiliser du charbon de bois, mais cela induit, sur l’ensemble du procédé, une perte de 50 pourcents de l’énergie contenue dans la biomasse initiale. D’un autre côté, le charbon a un pouvoir calorifique plus élevé, ce qui permet d’étendre l’autonomie du véhicule. En théorie, n’importe quelle matière organique issue de la biomasse peut être utilisée. Si le charbon et la tourbe furent aussi mobilisés au cours la Seconde Guerre Mondiale, le bois demeurait le principal carburant utilisé.

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Le modèle construit par l’an passé par Dutch John fait partie de ceux qui ont rencontré le plus grand succès. Tandis que la plupart des véhicules à gazogène contemporains paraissent tout droit sortis de Mad Max, la Volvo 240 construite par ce Néerlandais est équipée d’un système en inox d’allure résolument moderne (voir l’image ci-dessus ainsi que les 2 images ci-dessous, et les comparer avec ces modèles de Volvo, BMW, Audi ou encore Yugo).

Comme l’explique John lui-même, « produire du gaz de bois n’est pas si compliqué que cela. En revanche, produire du gaz de bois propre est une toute autre affaire. Je suis sceptique quant à certaines gazomobiles. Bien trop souvent, le gaz produit est aussi « propre » que le design de l’installation. »

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Dutch John est fermement convaincu de la pertinence des gazogènes, principalement pour des usages stationnaires tels que le chauffage, la production d’électricité ou même la fabrication de plastique. Sa Volvo est ainsi conçue comme un prototype démonstrateur des possibilités offertes par cette technologie. « Essayez donc de garer une voiture de sport italienne à côté d’une voiture à gazogène, la foule s’attroupera autour de la « gazomobile ». Toutefois, les voitures à gazogène sont réservées aux idéalistes, et aux périodes de crise. »

L’autonomie

La Volvo en question atteint une vitesse de pointe de 120 kilomètres par heure (75 mph) et peut assurer une vitesse de croisière de 110 km/h (68 mph). Le réservoir peut contenir 30 kilogrammes (66 livres) de bois, pour une autonomie de 100 kilomètres (62 miles), c’est à dire similaire à celle d’une voiture électrique actuelle.

Cette autonomie peut être étendue à 400 kilomètres (250 miles) en remplissant l’arrière de l’habitacle de sacs de bois. Cela demeure du même ordre de grandeur que l’autonomie d’une voiture électrique dont l’espace passager est réduit au profit de batteries plus grandes, comme c’est le cas pour la Tesla Roadster ou la Mini Cooper électrique. La différence tient bien sûr au fait que Dutch John doit quant à lui s’arrêter régulièrement pour sortir un sac de bois de la banquette arrière et remplir le réservoir.

Comme pour les voitures conventionnelles, l’autonomie d’une voiture à gazogène dépend aussi du véhicule lui-même. C’est ce que montrent les différents modèles de voiture convertis par Vesa Mikkonen. Ce Finnois installe tous ses gazogènes sur remorque. La dernière voiture en date à avoir été « convertie » est une Lincoln Continental Mark V de 1979, un grand coupé américain, relativement lourd. Elle consomme 50 kilogrammes (110 livres) de bois aux 100 kilomètres (62 miles), et s’avère par conséquent beaucoup moins efficace que la Volvo de John Dutch. Mikkonen a par ailleurs converti une Toyota Camry, voiture bien plus économe en carburant. Pour la même distance, le véhicule consomme seulement 20 kilogrammes (44 livres) de bois. Il faut cependant souligner que la remorque est presque aussi grande que la voiture elle-même.

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L’autonomie des voitures électriques peut être considérablement augmentée en réduisant à la fois leur taille et leur masse. Ceci n’est malheureusement pas possible pour leurs homologues à gazogène, à cause du poids et du volume de l’équipement à embarquer. Plus petites qu’aujourd’hui, les voitures utilisées pendant la Seconde Guerre Mondiale disposaient d’une autonomie de seulement 20 à 50 kilomètres (12 à 31 miles), et ce malgré une vitesse et une accélération moindres.

La seule option envisageable pour accroître l’autonomie consiste donc à agrandir le « réservoir » (sauf, bien sûr, à réduire sa vitesse de conduite, mais il s’agit là d’un autre sujet).

La liberté

L’américain Dave Nichols (l’homme qui tient en main des morceaux de bois sur l’une des photos précédentes) dispose d’une capacité de 180 kilogrammes (400 livres) de bois à l’arrière de son pick-up Ford de 1989. Cela lui donne une autonomie de 965 kilomètres (600 miles), similaire à celle d’une voiture alimentée aux carburants fossiles. L’avantage est néanmoins à nuancer, bien sûr, dans la mesure où, pour y parvenir, Nichols doit faire des arrêts fréquents afin de remplir le réservoir : en embarquant des bidons d’essence à l’arrière du pick-up plutôt que du bois, il pourrait donc rouler encore plus longtemps.

Aux dires de Nichols, une livre de bois (soit un demi-kilogramme environ) suffit pour parcourir 1 mile (1,6 kilomètre), ce qui correspond peu ou prou à la consommation de la Volvo estimée à 30 kilogrammes aux 100 kilomètres. L’Américain a monté une entreprise (21st Century Motor Works) et prévoit de commercialiser cette technologie à plus grande échelle. De retour chez lui, son camion lui sert en outre à la fois à chauffer sa maison et à générer son électricité. Son histoire est devenue populaire aux États-Unis, pour une raison simple et évidente que résume sa plaque d’immatriculation : « Liberté ».

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« On peut faire le tour du monde avec une scie et une hache », selon l’expression de John Dutch. Joost Conijn, son compatriote, a ainsi sauté sur l’occasion pour réaliser un voyage de deux mois à travers l’Europe, sans avoir à se préoccuper de trouver des stations essences (qui peuvent parfois être difficiles à localiser dans certains pays comme la Roumanie).

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Au fil de son voyage, des locaux croisés en route lui fournissaient du bois – la réserve étant stockée sur une remorque. Conijn a eu recours au bois non seulement comme carburant, mais aussi comme matériau de construction pour construire la voiture elle-même (image ci-dessus et vidéo ici). Pour un autre exemple de voyage réalisé avec une voiture à gazogène, lire le récit « Around Sweden with wood in the tank ».

Quel avenir pour la gazomobile

Au cours des années 1990, l’hydrogène a été présenté comme la future alternative aux carburants fossiles. Cet espoir s’est ensuite reporté sur les biocarburants puis l’air comprimé, tandis que toute l’attention est désormais focalisée sur la voiture électrique. Si cette technologie échoue elle aussi à tenir ses promesses (et nos doutes sur le sujet ont été exposés à plusieurs reprises), pourrions-nous envisager de réintroduire les voitures à gazogène ?

Malgré leur esthétique industrielle, les véhicules à gazogène s’avèrent assez performants sur le plan écologique, comparés aux autres carburants dits « alternatifs » (aussi appelés « carburants de remplacement »). D’un point de vue énergétique, la gazéification du bois est légèrement plus efficace que sa combustion, avec une perte de seulement 25 pourcents du contenu énergétique total du carburant. La consommation d’énergie d’une gazomobile est environ 1,5 fois plus élevée que celle d’une voiture similaire alimentée à l’essence (en incluant l’énergie dissipée lors du préchauffage du système et le poids supplémentaire associé à l’équipement).

Toutefois, si l’on prend en compte l’énergie grise nécessaire pour extraire, transporter et raffiner le pétrole, alors le gaz de bois est au moins aussi efficace que l’essence. Or, évidemment, le bois est un carburant renouvelable, contrairement à l’essence.

Le principal avantage des véhicules à gazogène est qu’ils fonctionnent à partir d’un carburant accessible et renouvelable qui peut être utilisé de manière directe, sans aucune transformation préalable. L’énergie grise (et le CO2) nécessaire pour convertir de la biomasse en un carburant liquide comme l’éthanol ou le biodiésel peut excéder la quantité d’énergie fournie par le carburant lui-même. Dans le cas des voitures à gazogène, aucune énergie grise n’est requise pour produire ou raffiner le carburant, excepté pour abattre et débiter le bois. Cela signifie qu’une « gazomobile » est pratiquement neutre en carbone, notamment quand l’abattage et le débitage sont réalisés manuellement.

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En outre, une voiture à gazogène ne requiert aucune batterie chimique, ce qui est un sérieux avantage par rapport à une voiture électrique : l’énergie grise associée aux énormes batteries de celles-ci est encore trop souvent occultée. En fait, dans le cas d’une voiture à gazogène, le bois fait office de « batterie » naturelle. Aucune technologie complexe de recyclage n’est nécessaire : la cendre résiduelle peut directement être utilisée comme engrais.

Un gazogène fonctionnant correctement génère par ailleurs moins de pollution atmosphérique qu’une voiture à essence ou diesel. La gazéification est en réalité un procédé beaucoup plus propre que la combustion : les émissions directes sont comparables à celle de la combustion de gaz naturel. La voiture électrique peut être encore plus vertueuse sur ce plan, à condition seulement que l’énergie utilisée soit d’origine renouvelable, or cette question demeure à ce jour en suspens.

Les inconvénients des véhicules à gazogène

Malgré tous les avantages évoqués plus haut, un rapide coup d’œil à une gazomobile suffit pour comprendre qu’elle est tout sauf une panacée. Le générateur embarqué occupe beaucoup de place et peut facilement peser plusieurs centaines de kilogrammes (à vide). Cette taille conséquente de l’équipement, difficilement compressible, est essentiellement liée au fait que le gaz de bois a un faible pouvoir calorifique. L’énergie spécifique du bois est d’environ 5,7 MJ / kg, contre 44 MJ / kg pour l’essence et 56 MJ / kg pour le gaz naturel (source).

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En outre, le recours au gaz de bois réduit la puissance du moteur à combustion, ce qui implique que la vitesse et l’accélération du véhicule converti sont toutes deux bridées. Le gaz de bois est composé d’environ 50 pourcents de nitrogène, 20 pourcents de monoxyde de carbone, 18 pourcents de dioxyde de carbone et 4 pourcents de méthane. Le nitrogène ne contribue pas à la combustion, tandis que le monoxyde de carbone est un gaz à combustion lente. À cause de cette teneur élevée en nitrogène, le moteur reçoit moins de carburant, ce qui réduit la puissance de 35 à 50 pourcents. De plus, la combustion lente n’autorise pas un régime moteur élevé (nombre de tours par minute). Une voiture à gazogène n’est donc pas une voiture de course.

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Si des petites voitures ont pu être équipées de gazogène (voir par exemple cette Opel Kadett), la technologie s’avère plus appropriée pour des véhicules grands et lourds, équipés de moteurs plus puissants. Quand ce n’est pas le cas, le risque est que la puissance moteur et l’autonomie soient insuffisants. Même si les dimensions peuvent être légèrement réduites pour s’adapter à des petits véhicules, la taille et le poids du générateur ne diminuent pas proportionnellement à la taille au poids de la voiture.

Certains se sont essayés à la construction de motos à gazogène, mais leur autonomie est limitée (à noter qu’une moto avec side-car s’en sort mieux). Évidemment, le poids conséquent du gazogène pose moins problème dans le cas de bus, camions, trains ou bateaux.

La simplicité d’utilisation

Un autre problème posé par les voitures à gazogène est qu’elles ne sont pas faciles à utiliser, même si la technologie a connu sur ce point des améliorations depuis la Seconde Guerre Mondiale. Voir la seconde partie de ce document(à partir de la page 17) pour une description de ce qu’impliquait, à l’époque, la conduite d’une voiture à gazogène.
Pourtant, malgré de nombreuses améliorations, même une gazomobile moderne requiert jusqu’à 10 minutes pour monter en température, de sorte qu’il n’est pas possible de monter dans sa voiture et de démarrer sur le champ. En plus de cela, avant chaque remplissage du réservoir, les cendres issues de la dernière gazéification doivent être retirées. La formation de goudron au sein du système est certes moins problématique aujourd’hui qu’elle ne pouvait l’être il y a 70 ans, mais les filtres d’épuration doivent néanmoins être nettoyés régulièrement. À cela s’ajoute l’autonomie relativement faible du véhicule. Mises bout à bout, ces contraintes rendent son utilisation beaucoup moins simple et évidente qu’une voiture à essence.

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La quantité importante de monoxyde de carbone produite par l’installation nécessite quant à elle une certaine précaution, toute fuite dans la tuyauterie du dispositif présentant un risque mortel. Si le système est installé dans le coffre, la mise en place d’un détecteur de CO dans l’habitacle est donc tout sauf un luxe. Enfin, une voiture à gazogène ne doit pas être stationnée dans un espace clos, à moins d’avoir préalablement brûlé les gaz résiduels (opération réalisée avec une torche sur l’image ci-dessus).

La production en série de gazomobiles

Bien sûr, tous les véhicules décrits plus hauts ont été construits par des ingénieurs amateurs. Il est donc probable que, si ces voitures étaient conçues spécifiquement pour être alimentées au bois et produites en usine, les inconvénients précédemment évoqués deviendraient anecdotiques tandis que les avantages n’en seraient que renforcés. De telles gazomobiles seraient par ailleurs d’allure plus élégante.

La Volkswagen Beetles qui sortait des lignes de montage pendant la Seconde Guerre Mondiale était équipé d’un mécanisme de gazéification entière intégré (sources : 1 / 2 / 3). Vue de l’extérieur, le gazogène et tout le reste du système demeurait invisible. Le « plein » se faisait par une trappe située à l’avant, sur le capot.

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C’est exactement la même chose pour la Mercedes-Benz, dont l’installation est entièrement dissimulée dans le coffre (source).

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La déforestation

Malheureusement, le gaz de bois partage avec les autres biocarburants un inconvénient majeur, que la production en série de gazomobiles ne parviendrait en aucun cas à résoudre, bien au contraire : si tous les véhicules, ou même une masse critique d’entre eux, étaient convertis au gaz de bois, toutes les forêts disparaîtraient et nous connaîtrions une famine généralisée, étant donné que l’intégralité des terres agricoles devraient être dédiées à des cultures dites « énergétiques". Dans les faits, l’usage du gaz de bois a entraîné, au cours de la Seconde Guerre Mondiale, une déforestation importante sur le territoire français (source). Comme pour de nombreux autres biocarburants, un déploiement de la technologie à grande échelle ne serait pas soutenable.

Pour autant, là où une voiture alimentée avec un biocarburant demeure aussi facile d’utilisation que son homologue à essence, le gazogène est sûrement le moins affordant des carburants de substitution disponibles à ce jour. Cela peut toutefois devenir un atout : une conversion du parc automobile existant au gaz de bois impliquerait nécessairement de réduire nos déplacements, ce qui serait bien sûr bénéfique sur le plan environnemental. S’il fallait préchauffer sa voiture 10 minutes avant chaque utilisation, il est probable que nous renoncerions à l’utiliser pour aller faire des courses à quelques kilomètres. Faire le trajet en vélo serait alors une option bien plus simple et rapide. De même, s’il fallait couper du bois pendant 3 heures pour pouvoir aller à la plage sur la côte, nous préférerions sûrement prendre le train.

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En définitive, la gazomobile démontre (une fois de plus) que la voiture individuelle contemporaine est, historiquement, un produit des énergies fossiles. Aucun des soi-disant « carburants alternatifs » ne peut rivaliser de commodité avec l’essence ou le diesel. La fin prochaine de l’abondance (et du faible coût) du pétrole pourrait mettre un terme à l’hégémonie de l’automobile sur notre civilisation. Mais le véhicule individuel a encore de beaux jours devant lui.


  1. À défaut d’une meilleure traduction, on a ici employé le terme de « gazomobiles », malgré son ambiguïté vis-à-vis de certains véhicules contemporains alimentés au gaz naturel (GNV). On le retrouve notamment dans le roman Les yeux ailleurs (2014) de l’auteur suédois Jan Guillou, dont l’action est située en Scandinavie pendant la Seconde Guerre Mondiale. ↩︎