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Comment conserver la fraîcheur des boissons hors du réfrigérateur

Le botijo espagnol, ou gargoulette en français, est un récipient à eau qui se rafraîchit sans électricité.

Illustration : un botijo espagnol.
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Dans ce monde industrialisé, nous ne connaissons qu’un moyen de rafraîchir des boissons : les mettre au réfrigérateur. Cependant, avant l’avènement de la Révolution industrielle, nos ancêtres obtenaient le même résultat d’une manière plus durable. Dans les climats chauds et secs, nous utilisions des cruches poreuses en terre cuite qui étaient non seulement réutilisables, mais qui gardaient également l’eau fraîche à l’aide de sources d’énergie naturelles.

Le « botijo » espagnol, un récipient en céramique non vernissé qui rafraîchit les boissons par évaporation, est l’exemple le plus connu. Il existe des récipients pour boissons similaires à celui-ci dans d’autres pays du bassin méditerranéen, ainsi qu’au Mexique (où il est connu sous le nom de « búcaro ») et dans le sous-continent indien (où il est appelé « ghara », « matka » ou « suhari »).

Le refroidisseur d’eau en céramique tire probablement ses origines de la civilisation de la vallée de l’Indus, ce qui voudrait dire que le botijo est vieux de 5 000 ans.

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En règle générale, le botijo a une large panse sphérique avec deux anses pour le transporter et deux ouvertures sur le dessus : une grande ouverture pour remplir le botijo d’eau et un bec verseur. Traditionnellement, on boit directement au botijo : il faut le soulever et le pencher afin de faire couler l’eau du bec verseur.

Il est d’usage que les lèvres ne touchent pas le bec verseur, puisque le botijo est généralement partagé. Son contenu peut également être servi dans un verre. Après avoir rempli la cruche, on ferme la grande ouverture avec un tissu ou un bouchon pour empêcher les insectes d’y entrer.

Les botijos peuvent être de différentes tailles, mais ils contiennent en moyenne 3 L d’eau et cela va jusqu’à 7 L pour les plus grands : assez pour approvisionner en eau un petit groupe pendant une journée.

Comment ça marche ?

Quand le botijo est rempli d’eau, il est préférable de le mettre à l’extérieur et à l’ombre, même s’il fonctionne aussi au soleil et à l’intérieur. Cette technologie se fonde sur le refroidissement par évaporation : le même processus qui permet au corps humain de se rafraîchir en transpirant. Étant donné que la cruche n’est pas totalement étanche, une petite quantité de l’eau stockée dans celle-ci traverse les pores de l’argile et s’évapore lorsqu’elle entre en contact avec l’environnement extérieur et sec. Pour que l’eau s’évapore (le passage de l’état liquide à l’état gazeux), il faut de l’énergie thermique. Cette énergie provient en partie de l’eau à l’intérieur de la cruche. Ainsi, l’évaporation réduit la température de l’eau.

Le potentiel de refroidissement du botijo

Le potentiel de refroidissement du botijo dépend, entre autres, de la forme, des dimensions et de la matière de la cruche, de la quantité d’eau qu’elle peut contenir ainsi que de l’humidité et de la température de l’air extérieur. Il peut être calculé précisément selon un modèle mathématique complexe développé lors d’une expérience scientifique de 1995 (PDF), qui a montré que l’on peut, dans des conditions optimales, refroidir un liquide jusqu’à 15 degrés Celsius.

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Un botijo contenant 3,2 L d’eau a été placé dans un four à 39 degrés avec un taux d’humidité relative de 42 %, pour reproduire les conditions d’une chaude journée d’été méditerranéenne. On a pu observer que la température avait chuté de 2 degrés au bout de 15 minutes, de 8 degrés au bout d’une heure et de 13 degrés après trois heures.

En 7 heures, la température avait atteint les 24 degrés, avec une perte d’eau d’environ 0,4 L (soit 8 % de la quantité d’eau). La température a ensuite progressivement recommencé à grimper. Avec des températures extérieures plus basses (aux alentours de 30 degrés Celsius), l’effet de refroidissement ne dépasse pas les 10 degrés Celsius. L’effet de refroidissement s’adapte donc aux conditions climatiques.

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Un botijo ne doit surtout pas être vernissé pour fonctionner correctement. Souvent vendus comme des souvenirs, les botijos vernissés ne refroidissent pas l’eau. Les récipients à eau vernissés étaient utilisés pour stocker l’eau dans des climats plus humides, où les récipients poreux n’étaient d’aucune utilité.

Les technologies similaires

Un effet de refroidissement comparable peut être obtenu en utilisant une gourde avec une housse. Si la gourde est immergée dans l’eau pour que la housse absorbe le liquide, puis laissée à l’extérieur jusqu’à ce que la housse sèche, l’eau à l’intérieur refroidit. On peut observer le même phénomène en mettant une bouteille d’eau dans une chaussette épaisse et mouillée.

Le Zeer Pot, un réfrigérateur qui marche sans électricité, utilise également le principe de refroidissement par évaporation. Ce principe peut être utilisé pour refroidir des bâtiments et des processus industriels. Il se trouve que le botijo contribue également à refroidir l’environnement dans lequel il se trouve, puisque l’évaporation ne prend qu’une partie de l’énergie dont elle a besoin par l’eau et le reste provient de l’environnement.

Un appareil réfrigérant portable

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La non-utilisation d’électricité du botijo n’est pas son seul avantage. Premièrement, l’eau à l’intérieur du botijo est froide, mais pas aussi froide que lorsqu’elle sort du réfrigérateur. Paradoxalement, l’eau qui sort du réfrigérateur est trop froide pour être bue et peut provoquer des problèmes de santé.

Deuxièmement, le botijo est un appareil réfrigérant portable qui n’a aucun équivalent moderne. Les bouteilles actuelles sont en plastique, en verre ou en métal et n’ont pas de pores. De ce fait, la bouteille ne « transpire » pas et se réchauffe dès qu’on la sort du réfrigérateur.

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A contrario, l’eau à l’intérieur du botijo reste fraîche, qu’importe où il se trouve. C’est pourquoi il a été habituellement utilisé dans les pays du bassin méditerranéen, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur, par les agriculteurs. Les voyageurs utilisaient souvent ces récipients, puisque les plus petits botijos de forme cylindrique pouvaient être attachés aux chevaux.

Même une gourde actuelle en métal avec une housse ne présente pas les mêmes avantages qu’un récipient réfrigérant portable, puisque ce n’est pas l’eau à l’intérieur qui refroidit la bouteille. La gourde doit régulièrement être plongée dans de l’eau pour conserver l’effet réfrigérant, ce qui n’est pas toujours possible dans un climat sec.

L’importance du climat

Avec l’arrivée des combustibles fossiles bon marché, nous nous sommes habitués au fait que n’importe quelle technologie fonctionne n’importe où. C’est rarement le cas des technologies de l’époque préindustrielle, puisqu’elles sont souvent des solutions à des problèmes locaux. Le botijo n’échappe pas à cette règle. Il convient particulièrement aux climats chauds et secs (les codes C de la Classification de Köppen).

Ce climat prédomine autour de la Méditerranée, mais aussi sur la côte Ouest des États-Unis (en Californie et en Oregon), dans le sud de l’Australie et dans de petites régions d’Amérique du Sud (au Chili) et d’Afrique (en Afrique du Sud). Le botijo est également très performant dans des climats désertiques (code BW, qui est plus répandu que le climat méditerranéen).

Avec l’arrivée des combustibles fossiles bon marché, nous nous sommes habitués au fait que n’importe quelle technologie fonctionne n’importe où. C’est rarement le cas des technologies de l’époque préindustrielle, puisqu’elles sont souvent des solutions à des problèmes locaux.

Cependant, la fonction réfrigérante des refroidisseurs d’eau en céramique se détériore : les étés sont plus humides, ce qui est le cas de la plupart des climats tropicaux. C’est pareil pour le corps humain, qui transpire plus dans un environnement chaud et humide : la transpiration ne peut pas s’évaporer.

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Les climats dans lesquels les étés sont froids et pluvieux ont moins besoin de méthodes de refroidissement d’eau. C’est ce qui explique que certaines régions d’Espagne, notamment au Nord-Ouest), n’ont pas créé de refroidisseurs d’eau par évaporation et utilisent plutôt des récipients vernissés. Il en va de même pour les zones situées près de la côte Méditerranéenne : la mer qui se trouve à proximité augmente l’humidité de l’air.

Soulever le botijo

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L’un des inconvénients du botijo est qu’il peut être plutôt lourd pour les personnes qui manquent de force. Un botijo de taille moyenne rempli d’eau peut peser facilement 4,5 kg. Cependant, il existe des solutions à ce problème.

La Fundación Terra, une organisation environnementale espagnole, a lancé une campagne il y a quelques années pour promouvoir l’utilisation du botijo chez soi et au bureau. Ils ont également mis au point un système pour suspendre le botijo au plafond afin de boire plus facilement. De plus, ils conseillent aux personne de suspendre le botijo au dessus d’une plante pour que toute eau renversée ne soit pas gâchée. En Inde, le bec verseur a été remplacé par un robinet placé au bas de la cruche (archivé).

Kris De Decker (relu par Deva Lee).

Sources

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