Une des contraintes de l’énergie solaire est qu’elle n’est pas disponible en permanence : elle dépend de la durée d’ensoleillement. Afin de pallier les problèmes que cela peut apporter, une solution de stockage ou une infrastructure de secours fonctionnant aux énergies fossiles est nécessaire ; un facteur qui est souvent ignoré quand les scientifiques se concentrent sur la durabilité du photovoltaïque.
L’inclusion d’un moyen de stockage de l’énergie n’est désormais plus une simple question théorique. Grâce à l’amélioration de la technologie des batteries et à la réduction du nombre de panneaux solaires raccordés au réseau, l’énergie solaire hors réseau est sur le point de faire son retour. Le photovoltaïque est-il durable si l’on tient compte du stockage de l’énergie ?
Un biais par excès
Dans l’article précédent, nous avons constaté que de nombreuses analyses des cycles de vie (ACV) des panneaux photovoltaïques sont sous l’effet d’un biais par excès. La plupart des ACV basent leurs études sur la fabrication des cellules photovoltaïques en Europe et aux États-Unis. Cependant, la plupart des panneaux sont désormais fabriqués en Chine où le réseau électrique est deux fois plus intense en carbone et environ 50 % moins efficace. 1
Pareillement, la plupart des ACV se font sur du photovoltaïque dans des régions possédant une exposition au soleil typique des régions méditerranéennes, alors qu’une grande majorité des panneaux solaires sont installés dans des régions avec une exposition moitié moins importante.
Par conséquent, les émissions de gaz à effet de serre d’un kWh d’électricité produit par le photovoltaïque sont deux à quatre fois plus élevées que ce qu’indiquent la plupart des ACV. Contrairement aux si souvent cité 30-50 grammes d’équivalent de CO2 par kWh d’électricité générée (gCO2e/kWh), nos calculs indiquent que les panneaux photovoltaïques classiques installés en 2008 et 2014 produisent près de 120 gCO2e/kWh. Cela rend le photovoltaïque seulement quatre fois moins intense en carbone que l’électricité du réseau classique dans la plupart des pays occidentaux.
Cependant, même ce résultat est un peu trop optimiste. Dans notre précédent article nous n’avons pas pris en compte « l’un des plus grands composants potentiellement manquants » 2 de l’analyse habituelle du cycle de vie du photovoltaïque : l’énergie intrinsèque de l’infrastructure qui gère l’intermittence de l’énergie solaire. L’exposition solaire varie au cours de la journée et des saisons et évidemment, l’énergie solaire n’est plus disponible après le coucher du soleil.
Le retour de l’énergie solaire hors réseau
Jusqu’à la fin des années 90, la plupart des installations photovoltaïques étaient hors réseau. L’excédent d’énergie de la journée était conservé sur place dans des batteries au plomb pour pouvoir être utilisé la nuit et par temps couvert. Aujourd’hui, presque tout le photovoltaïque est connecté au réseau. Ces installations se servent du réseau comme d’une batterie, « stockant » l’excès d’énergie de la journée pour utilisation la nuit ou par temps couvert.
Évidemment, cette stratégie nécessite d’utiliser des énergies fossiles de secours ou une centrale nucléaire au cas où la réserve d’énergie solaire est basse ou inexistante. Par comparaison avec l’électricité en réseau habituelle, incluant celle produite par la biomasse, cette face « cachée » du photovoltaïque doit aussi être prise en compte. Cependant, aucune analyse du cycle de vie du photovoltaïque ne le fait 3
Jusqu’à maintenant, inclure ou non une source d’énergie de secours, ou un système de stockage était surtout une question théorique. Cela pourrait prochainement changer, puisque l’énergie solaire hors réseau est sur le point de faire son retour. De nombreux producteurs ont présenté des systèmes de stockage basés sur des batteries lithium-ion, la technologie qui fait fonctionner nos appareils et voitures électriques. 456
La technologie des accumulateurs lithium-ion est supérieure comparée aux batteries au plomb habituellement utilisées pour le photovoltaïque hors réseau : elles durent plus longtemps, sont plus compactes, plus efficaces, plus faciles à entretenir et comparativement plus durables.
Les batteries lithium-ion coûtent plus chères que celles au plomb, mais le rapport de Morgan Stanley en 2014 sur l’énergie solaire prédit que le prix du stockage diminuera jusqu’à 125-150 $ par kWh d’ici 2020. 7
D’après ce rapport, le photovoltaïque avec stockage en batterie serait viable au niveau commercial dans certains pays européens (Allemagne, Italie, Portugal, Espagne) et dans la majorité des États-Unis. Morgan Stanley attend beaucoup du fabricant de véhicules électriques Tesla, qui a annoncé il y a quelques jours un système de stockage privé pour l’énergie solaire (qui devrait coûter 350 $ par kWh). 8
Tesla construit actuellement une usine en Arizona qui produira autant de batteries lithium-ion qu’il y en a de produites par tous les fabricants du monde, en introduisant des économies d’échelle qui peuvent faire baisser davantage les coûts.
Morgan Stanley prévoit que l’énergie photovoltaïque hors réseau sera commercialement viable dans certains pays européens et dans la plupart des États-Unis d’ici 2020.
D’autres facteurs entrent aussi en jeu quand on parle de stockage privé pour l’énergie solaire. Les panneaux solaires sont devenus tellement plus abordables ces dernières années que les subventions gouvernementales et les crédits d’impôt pour les systèmes en réseau sont de plus en plus remis en cause. Dans de nombreux pays, les propriétaires de panneaux photovoltaïques connectés au réseau ont reçu un prix fixe pour le surplus d’électricité qu’ils apportent au réseau, sans avoir à payer les tarifs fixes du réseau. Ces prétendues règles de « comptage net » ou de « tarifs de rachat » ont récemment été supprimées dans plusieurs pays européens et sont maintenant remises en cause dans certains États américains. Dans son rapport, Morgan Stanley prédit que, dans les prochaines années, les règles de comptage net et du crédit d’impôt sur le solaire disparaîtront complètement. 7
Les entreprises de services publics luttent avec succès contre l’incitation à l’énergie photovoltaïque en arguant que les clients passés au solaire utilisent le réseau mais ne le paient pas, ce qui augmente les coûts pour les clients n’ayant pas recours à l’énergie solaire. 9
L’ironie réside dans le fait que lutter contre la promotion des panneaux solaires connectés en réseau rend les systèmes hors réseau plus attractifs, et que les services publics pourraient chasser leurs clients. Si un client utilisateur d’énergie solaire en réseau doit payer un prix fixe et ne reçoit rien en contrepartie pour l’énergie qu’il produit en excès, cela pourrait être plus économique d’installer une réserve de batteries. Si davantage de clients choisissent cette option, les coûts augmenteront pour les clients restants, poussant de plus en plus de personnes à adopter un système hors réseau. 10
Stockage batteries au plomb
Devenir complètement indépendant du réseau peut sembler séduisant pour beaucoup, mais à quel point le photovoltaïque est-il durable quand un stockage sur batterie est pris en compte ? Comme l’analyse du cycle de vie d’une batterie lithium ion de panneaux photovoltaïques hors réseau n’a pas encore été faite, nous en avons nous-même fait une, en prenant pour exemple certaines ACV de panneaux photovoltaïques autonomes avec stockage sur batterie au plomb.
À ce jour, l’une des études les plus complètes est une analyse de 2009 sur un système hors réseau de 4,2 kW, à Murcia en Espagne. L’ensemble de panneaux solaires de 35 m² est monté sur le toit d’un bâtiment et fournit les systèmes d’éclairage programmés avec une charge journalière constante de 13,8 kWh. Les panneaux photovoltaïques sont connectés à 24 batteries au plomb ayant une capacité de stockage de 110,4 kWh, ce qui représente une autonomie de 3 jours. 11
L’étude montre un temps de retour énergétique de 9,08 ans et une émission spécifique de gaz à effet de serre de 131 gCO2e/kWh, rendant le système énergétique deux fois plus efficace et 2,5 fois moins intense en carbone que l’électricité en réseau classique en Espagne (337 gCO2/kWh). La fabrication des batteries compte pour 45 % du carbone incorporé et 49 % de la consommation d’énergie du cycle de vie du photovoltaïque.
Les batteries au plomb doublent facilement l’énergie et le temps de retour en carbone des panneaux photovoltaïques.
Cela ne paraît pas si mal, mais malheureusement les chercheurs ont fait des hypothèses un peu trop optimistes. Pour commencer, les résultats ne sont valides que pour une exposition de 1 932 kWh/m²/an— Murcia est l’une des villes les plus ensoleillées d’Espagne. Avec une exposition solaire inférieure, plus de panneaux solaires seraient nécessaires pour produire autant d’électricité, donc l’énergie incorporée du système entier augmenterait. 12
En estimant une exposition solaire de 1 700 kWh/m²/an, la moyenne dans le sud de l’Europe, l’émission de gaz à effet de serre augmenterait de 139 gCO2e/kWh. En estimant une exposition solaire de 1 000 kWh/m²/an, la moyenne en Allemagne, cette émission passe à 174 gCO2/kWh.
Durée de vie d’une batterie
Les chercheurs estiment la durée de vie d’une batterie au plomb à 10 ans. Pour les panneaux solaires, c’est une estimation de durée de vie de 20 ans, ce qui signifie qu’une quantité de batteries doublée est ajoutée dans l’analyse du cycle de vie. Une durée de vie de 10 ans pour une batterie au plomb est très optimiste— un fait que les scientifiques reconnaissent. 11
La plupart des autres ACV étudiant les systèmes hors réseau estiment la durée de vie d’une batterie à 3 ou 5 ans. 1314 Cependant, cette durée dépend grandement de son utilisation et de son entretien. À cause de la faible charge du système dont on parle, la durée de vie de 10 ans pour une batterie n’est pas complètement irréaliste.
D’un autre côté, si elles sont utilisées pour une charge plus importante— par exemple, un ménage ordinaire— leur durée de vie diminuerait considérablement. Étant donné que près de 50 % du carbone incorporé et de la consommation d’énergie sur le cycle de vie du photovoltaïque sont dus aux seules batteries, la durée de vie prévue du bloc de batteries de 2,4 tonnes a un effet significatif sur la durabilité du système.
En estimant la durée de vie d’une batterie à 5 ans au lieu de 10, et en conservant tous les autres paramètres, l’émission de gaz à effet de serre passe respectivement à 198 et 233 gCO2e/kWh pour une exposition solaire de 1 700 et 1 000 kWh/m²/an. Le photovoltaïque connecté au réseau augmente la durabilité du système, en estimant une espérance de vie plus longue pour les panneaux solaires : l’énergie et le carbone incorporés peuvent être répartis sur une durée plus importante. Avec les systèmes hors réseau, l’effet est contré par le besoin d’une batterie de remplacement ou plus.
En augmentant l’espérance de vie des panneaux solaire de 20 à 30 ans et en gardant la durée de vie des batteries à 10 ans, les émissions de CO2e par kWh restent plus ou moins les mêmes. Cependant, en estimant cette durée de vie à seulement 5 ans et en étendant celle des panneaux solaires à 30 ans, les émissions de gaz à effet de serre augmenteraient à 206 gCO2e/kWh pour une exposition solaire de 1 700 kWh/m²/an et diminueraient à 232 gCO2e/kWh pour une exposition solaire de 1 000 kWh/m²/an.
Fabriqué en Chine
Les chercheurs estiment que tous les composants— cellules photovoltaïques, batteries, électronique— sont fabriqués en Espagne, alors que nous avons constaté dans l’article précédent que la fabrication des panneaux photovoltaïques a été déplacée en Chine. Le réseau électrique espagnol est 2,7 fois moins intense en carbone (337 gCO2/kWh) que le chinois (900 gCO2e/kWh), ce qui signifie que les émissions de gaz à effet de serre de tous les composants de nos systèmes peuvent être multipliées par 2,7.
Cela donne un résultat en émission carbone spécifique de respectivement 353 et 471 gCO2e/kWh pour une exposition solaire 1 700 et 1 000 kWh/m²/an, ce qui est plus élevé que l’intensité carbone sur le réseau espagnol. En estimant la durée de vie d’une batterie à 5 au lieu de 10 ans, les émissions augmenteraient de respectivement 513 et 631 gCO2e/kWh pour une exposition solaire de 1 700 et 1 000 kWh/m²/an.
Si les panneaux solaires et les batteries sont produits en Chine, les émissions carbone doublent par rapport à l’électricité en réseau habituelle.
Bien qu’il y ait quelques hypothèses de chercheurs qui soient moins optimistes — comme le taux de recyclage des batteries de seulement 50 % plutôt que le 90+ % souvent affiché — il est évident qu’un système hors réseau avec batteries au plomb n’est pas durable et encore moins quand les composants sont fabriqués en Chine.
Cela ne rend pas le solaire hors réseau avec batteries au plomb inutile : comparé aux générateurs diesel, un panneau photovoltaïque avec batteries au plomb est souvent le meilleur choix, ce qui en fait une bonne solution pour les zones isolées sans accès au réseau électrique. Cependant, en tant qu’alternative à l’infrastructure électrique centralisée des pays occidentaux, elle n’a guère de sens.
Système de stockage avec accumulateur lithium-ion
En remplaçant les batteries au plomb par des accumulateurs lithium-ion, la durabilité du photovoltaïque autonome augmente considérablement. Au premier coup d’œil, cela semble contre-productif, puisqu’il faut plus d’énergie pour produire 1 kWh de stockage avec une batterie lithium-ion que pour produire 1 kWh de stockage avec une batterie au plomb. Selon les dernières ACV, portées sur les réserves pour les véhicules électriques, la fabrication d’une batterie lithium ion nécessite entre 1,4 et 1,87 MJ/wh 151617, alors que les besoins énergétiques pour la production d’une batterie au plomb se situent entre 0,87 et 1,19 MJ/Wh. 17
Malgré cela, les meilleures performances globales de la batterie lithium-ion signifient qu’une quantité bien inférieure de stockage est nécessaire. Pour une durée de vie prolongée, les batteries au plomb demandent une « Profondeur de Décharge » (PdD). Si une batterie au plomb est complètement déchargée (PdD de 100 %) sa durée de vie se raccourcit (300 à 800 cycles, d’environ un à deux ans, dépendant de la chimie de la batterie). Celle-ci passe de 400-1 000 cycles (1-3 ans, en estimant 365 cycles par an) à une PdD de 80 % à 900-2 000 cycles (2,5-5,5 ans) à une PdD de 33 %. 17
Cela signifie qu’afin d’avoir une durée de vie décente, un système de batteries au plomb devra être surdimensionné. Par exemple, c’est une capacité de batterie 3 fois supérieure qui est nécessaire à une PdD de 33 %, parce que les deux tiers de la capacité de la batterie ne peuvent pas être utilisés.
Même si la durée de vie d’une batterie lithium-ion diminue également quand la profondeur de décharge augmente, cet effet est moins prononcé qu’avec leur pendant au plomb. Une batterie lithium-ion dure entre 3 000 et 5 000 cycles (8 à 14 ans) à une PdD de 100 %, 5 000 à 7 000 cycles (14-19 ans) à une PdD de 80 % et 7 000 à 10 000 cycles (19-27 ans) à une PdD de 33 %. 17
Par conséquent, un stockage au lithium-ion a habituellement une PdD de 80 % alors que le stockage au plomb a une PdD de 33 ou 50 %. Dans l’analyse du système hors réseau espagnol dont on a parlé ci-dessus, l’estimation de 3 jours d’autonomie implique qu’un stockage de 41 kWh est nécessaire (3 x 13,8 kWh par jour). Parce que la PdD est de 33 %, la capacité de stockage doit être multipliée par trois, ce qui a pour résultat 123 kWh de batterie. Si nous les remplaçons par des batteries lithium ion avec un PdD de 80 %, seulement 50 kWh de stockage sont nécessaires, soit 2,5 fois moins.
Six fois moins de batteries nécessaires
Pour être précis, nous devons mentionner que la durée de vie n’est pas forcément limitée aux cycles. Lorsque les batteries sont utilisées avec des cycles peu profonds, leur durée de vie sera normalement limitée par la durée de vie du flotteur. Dans ce cas, la différence entre les batteries au plomb et celles lithium-ion est moins prononcée : en l’absence de recyclage (charge flottante), la lithium-ion dure de 14 à 16 ans et celle au plomb de 8 à 12 ans. La vie de la batterie est limitée soit par le cycle ou le flotteur,selon la condition qui sera achevée en premier. 17
Cependant, si on se concentre sur les systèmes hors réseau pour les ménages, l’hypothèse d’un cycle quotidien intense reflète mieux la réalité, même s’il y aura des périodes de charge flottante, par exemple pendant les vacances.
La capacité de stockage totale qui doit être produite sur la durée de vie complète d’un panneau photovoltaïque est six fois inférieure pour une batterie lithium-ion que pour celle au plomb.
Si on prend également en compte la durée de vie des batteries, l’avantage de la lithium-ion est encore plus marqué. En estimant la durée de vie à 20 ans pour le photovoltaïque et une PdD de 80 %, les batteries lithium-ion dureront aussi longtemps que les panneaux. Cependant, les batteries au plomb doivent être remplacées 2-4 fois sur une période de 20 ans. Cela creuse encore un peu plus l’écart entre le coût énergétique de production des batteries au plomb et celui des batteries au lithium-ion. 17
Dans la première ACV, une capacité de stockage totale d’environ 240 kWh est nécessaire pour une durée de vie de 20 ans. Cependant, la durée de vie par cycle d’une batterie lithium-ion est de 19-27 ans, ce qui veut dire qu’aucun remplacement n’est nécessaire. Par conséquent, la capacité totale de stockage devant être produite sur la durée de vie totale du système est 6 fois inférieure pour la batterie lithium-ion que pour celle au plomb. 18
Si nous prenons les valeurs les plus optimistes pour les coûts énergétiques de production — 0,87 MJ/WH pour les batteries au plomb, 1,4 MJ/Wh pour les lithium-ion — et que nous les multiplions par les capacités totales des batteries sur une durée de 20 ans (248 000 Wh pour au plomb et 42 000 Wh pour les lithium-ion), cela donne une énergie incorporée de 60 MWh pour les batteries au plomb (la valeur dans la première analyse) et seulement 16,5 MWh pour les lithium-ion. En conclusion, les besoins énergétiques pour la production de batteries sont 3,6 fois inférieurs pour les lithium-ion que pour celles au plomb.
Un autre avantage des batteries lithium-ion est qu’elles sont plus efficaces que celles au plomb : 85-95 % pour le lithium-ion, comparé à 70-85 % pour le plomb. Puisque les pertes des batteries doivent être compensées avec un plus grand apport énergétique, une batterie plus efficace donne des ensembles photovoltaïques plus petits, diminuant les besoins énergétiques pour la production de cellules photovoltaïques. Dans la première analyse, 4,2 kW de panneaux solaires (35 m²) sont nécessaires pour produire 13,8 kWh par jour.
En estimant que les batteries au plomb ont une efficacité de 77 % et que les lithium ion ont une efficacité de 90 %, choisir des lithium ion ferait passer la taille des panneaux de 4,2 kW à 3,55 kW. Nous avons désormais toutes les données pour calculer les émissions de gaz à effet de serre par kWh d’électricité produite par des panneaux photovoltaïques hors réseau utilisant des batteries lithium-ion.
Émissions de gaz à effet de serre de panneaux hors réseau avec des batteries lithium-ion
Dans la première analyse, les batteries et panneaux solaires (support et cadre inclus) représentent respectivement 59 et 62 gCO2e/kWh. Le reste des composants ajoute encore 10 gCO2e/kWh, pour un total de 131 gCO2e/kWh. En passant à un stockage avec batteries lithium-ion, les émissions de gaz à effet de serre pour les batteries diminuent de 59 à 20 gCO2e/kWh.
En raison de l’efficacité plus élevée des batteries lithium-ion, l’émission de gaz à effet de serre des panneaux solaires passe de 62 à 55 gCO2e/kWh. Ainsi, l’ensemble hors réseau utilisant des batteries lithium-ion émet globalement 85 gCO2e/kWh, contre 131 gCO2e/kWh pour un ensemble similaire avec un stockage au plomb.
Bien que ce résultat soit une amélioration, il dépend des estimations des chercheurs, par exemple une exposition solaire de 1 932 kWh/m²/an et une production des composants entièrement localisée en Espagne. En ajustant les valeurs pour une exposition de 1 700 kWh/m²/an afin de les comparer aux autres résultats, on obtient une émission totale de gaz à effet de serre de 92,5 gCO2e/kWh (en estimant que les capacités des batteries restent les mêmes).
Si l’on revoit cette exposition à la baisse à 1 000 kWh/m²/an, la moyenne en Allemagne, ces émissions de gaz à effet de serre passent à 123,5 gCO2e/kWh. De plus, en estimant que les panneaux solaires (mais pas les batteries ou les autres composants) sont fabriqués en Chine, ce qui est plus probable, ces émissions de gaz à effet de serre augmentent à respectivement 155 et 217 gCO2e/kWh pour des expositions solaires de 1 700 et 1 000 kWh/m²/an.
En conclusion, un stockage avec des batteries lithium-ion rend le photovoltaïque hors réseau moins intense en carbone que l’électricité en réseau habituelle dans la plupart des pays occidentaux, même en prenant en compte la fabrication en Chine des panneaux solaires. Cependant, cet avantage est plutôt mince, ce qui affecte la vitesse à laquelle le photovoltaïque peut être déployé de manière durable.
Dans l’article précédent, nous avons constaté que les économies d’énergie et de carbone, faites par la capacité installée cumulée des systèmes photovoltaïques, sont annulées dans une certaine mesure par la consommation d’énergie et les émissions de carbone résultant de la production de la nouvelle capacité installée. Pour augmenter le déploiement du photovoltaïque tout en restant des atténuateurs nets de gaz à effet de serre, ils doivent croître à un rythme plus lent que l’inverse de leur temps de retour sur investissement en matière de carbone. 192021
Les ensembles photovoltaïques hors réseau avec des stockages à batteries lithium-ion peuvent émettre moins de 30 gCO2e/kWh de gaz à effet de serre s’ils sont produits dans des pays avec un réseau électrique vert et installés dans des pays avec une forte exposition solaire et des réseaux intenses en carbone.
Pour les panneaux solaires fabriqués en Chine et installés dans des pays comme l’Allemagne, le taux de croissance durable maximum est de seulement 16-23 % (dépendant de l’exposition solaire), environ trois fois moins que la croissance annuelle de l’industrie entre 2008 et 2014. En prenant également en compte le stockage avec batteries lithium-ion, ce taux de croissance durable maximum passe à 4-14 %. En d’autres termes, inclure un stockage de l’énergie limite davantage le taux de croissance durable maximum de l’industrie du photovoltaïque.
En revanche, en produisant des panneaux solaires dans des pays avec des réseaux électriques très propres (France, Canada, etc.) et en les installant dans des pays avec des réseaux intenses en carbone et avec de forts niveaux d’exposition solaires (Chine, Australie, etc.), même le photovoltaïque hors réseau avec des batteries lithium-ion aurait des émissions de gaz à effet de serre de seulement 26-29 gCO2/kWh, ce qui permettrait au solaire d’augmenter sa durabilité de presque 60 % par an. Ce résultat est remarquable et montre l’importance de la localisation si l’on souhaite que le photovoltaïque soit une solution plutôt qu’un problème. Bien sûr, qu’il y ait assez de lithium disponible pour déployer un système de stockage par batterie à grande échelle est une tout autre question.
La production de batterie alimentée par les énergies renouvelables ?
Une autre façon d’améliorer la durabilité du stockage par accumulateur est de produire des batteries en se servant des énergies renouvelables. Par exemple, Tesla a annoncé que sa « GigaFactory », qui servira à produire des accumulateurs lithium-ion pour les véhicules et maisons, sera alimentée par les énergies renouvelables. 2223 Pour appuyer sa déclaration, Tesla a publié une image de l’usine avec le toit couvert de panneaux solaires et une douzaine d’éoliennes au loin.
Cependant, le procédé final de production dans l’usine consomme uniquement une petite partie du coût énergétique total de tout le cycle de production, beaucoup plus d’énergie est utilisée lors de l’extraction de matériaux (exploitation minière). Il est indiqué que la GigaFactory produira 50 GWh de capacité de batteries par an d’ici 2020. Parce que la fabrication de 1 kWh de stockage sur batterie lithium-ion demande 400 kWh d’énergie 151617, la production de 50 GWh de batteries demanderait 20 000 GWh d’énergie par an.
En estimant une exposition solaire moyenne de 2 000 kWh/m²/an et une efficacité du photovoltaïque de 15 %, 1 m² de panneaux solaire générerait au plus 295 kWh par an. Ce qui signifie qu’il faudrait 6 800 hectares (ha) de panneaux solaires pour alimenter le processus de production complet des batteries, alors que les panneaux solaires sur le toit ne couvrent qu’une surface de 1 à 40 ha (il existe une controverse sur la surface totale de l’usine en construction). L’affirmation de Tesla, bien qu’elle puisse être exacte sur le plan factuel, est un exemple évident d’écoblanchiment, et tout le monde semble y croire.
Il y a d’autres manières d’améliorer la durabilité du photovoltaïque quand le stockage est pris en compte. La plupart de ces solutions demandent à ce que les installations soient reliées au réseau, même si elles ont un système de stockage local (plus limité). Dans ce cas, les batteries chimiques peuvent aider à équilibrer le système du réseau, agissant comme des dispositifs d’écrêtement des pointes et de déplacement de la charge.
Le réseau électrique doit être de taille pour répondre au pic de la demande, et le stockage avec batteries pourrait signifier que moins de centrales seraient nécessaires pour cela. Décentralisé, le stockage d’énergie connecté au réseau pourrait également augmenter la part du renouvelable que les infrastructures énergétiques peuvent prendre en charge. Bien sûr, cette approche par « réseau intelligent » doit aussi être soumise à une analyse de cycle de vie, incluant les composants électroniques.