Battery used Battery charging

Chauffer sa maison avec une éolienne mécanique

Utilisée dans de bonnes conditions, une éolienne mécanique équipée d’un système de freinage surdimensionné peut être une solution de chauffage économique, efficace et durable

Image: Illustration de Rona Binay pour Low-tech Magazine.
Image: Illustration de Rona Binay pour Low-tech Magazine.
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La production d’énergie renouvelable est presque entièrement consacrée à générer de l’électricité. Pourtant l’énergie que nous utilisons le plus est sous forme de chaleur, laquelle ne peut être produite qu’indirectement par des panneaux photovoltaïques ou des aérogénérateurs moyennant en plus un rendement assez faible. Un capteur solaire thermique permet d’éviter l’étape de conversion en électricité et fournit ainsi de l’énergie thermique renouvelable de manière directe et plus efficace.

Par ailleurs, il est beaucoup moins connu qu’une éolienne « mécanique » peut assurer la même fonction dans un climat venteux : en surdimensionnant son système de freinage, une éolienne peut générer une quantité importante de chaleur directe par friction. Il est également possible de coupler une éolienne mécanique à une pompe à chaleur, ce qui peut s’avérer moins coûteux que d’utiliser une chaudière à gaz ou une pompe à chaleur électrique alimentée par un aérogénérateur (éolienne dédiée à la production d’électricité).

Chaleur versus électricité

À l’échelle mondiale, la demande en énergie thermique correspond à un tiers de la production d’énergie primaire, tandis que les besoins en électricité n’en représentent qu’un cinquième. 1 Dans les climats tempérés à froids, la part de l’énergie thermique est encore plus importante. À titre d’exemple, au Royaume-Uni la chaleur représente presque la moitié de la consommation énergétique totale. 2 Si l’on restreint l’analyse au seul secteur résidentiel, les besoins en énergie thermique pour le chauffage et la production d’eau chaude sanitaire peuvent atteindre 60 à 80 % de la demande totale en énergie domestique dans les climats tempérés et froids. 3

Malgré ces chiffres, les différentes sources d’énergies renouvelables demeurent minoritaires dans la production de chaleur. La principale explication notable est l’usage traditionnel de la biomasse pour la cuisine et le chauffage – mais dans les pays « développés » la biomasse est aussi utilisée pour produire de l’électricité au lieu de générer de la chaleur. Le recours à l’énergie solaire thermique et géothermique représente respectivement moins d’1 % et 0,2 %, de la demande mondiale en chaleur 4 5. Si les énergies renouvelables fournissent près de 20 % de la demande mondiale en électricité (énergie hydroélectrique essentiellement), elles ne représentent que 10 % de la demande en chaleur (biomasse essentiellement). 5 6

Production de chaleur directe versus indirecte

L’électricité produite par des sources d’énergies renouvelables peut être – comme c’est le cas actuellement – convertie en chaleur de manière indirecte. Ainsi, le générateur électrique d’une éolienne permet de convertir son énergie de rotation en électricité, laquelle peut ensuite être convertie en chaleur par l’intermédiaire d’un radiateur électrique, une chaudière électrique, ou encore une pompe à chaleur électrique. Il en résulte de la chaleur produite par énergie éolienne.

L’usage de pompes à chaleur, en particulier, est promu par de nombreux gouvernements et organisations comme une solution durable pour la production de chaleur renouvelable. Cependant, les énergies solaire et éolienne peuvent aussi être utilisées de manière directe, sans conversion préalable en électricité – et cela s’applique bien sûr également à la biomasse. La génération de chaleur directe est moins coûteuse, peut avoir (selon les conditions) un meilleur rendement, et est plus durable que la génération de chaleur indirecte.

Image: prototypes d’éoliennes productrices de chaleur, construits par Esra L. Sorensen en1974. Photo de Claus Nybroe. Source: [^13]
Image: prototypes d’éoliennes productrices de chaleur, construits par Esra L. Sorensen en1974. Photo de Claus Nybroe. Source: [^13]
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Apparue au 19e siècle comme produit d’un appareil industriel ayant permis la fabrication à bas coût de verres et miroirs, la technologie solaire thermique est l’alternative directe au solaire photovoltaïque que nous connaissons aujourd’hui. L’énergie solaire thermique peut servir à la production d’eau chaude sanitaire, au chauffage ou à des procédés industriels. En outre, cette technologie un rendement 2 à 3 fois plus élevé comparée à la version indirecte, c’est-à-dire impliquant l’étape de conversion en électricité.

Presque personne ne sait qu’une éolienne peut générer de la chaleur « directe », sans conversion électrique

L’équivalent direct de l’énergie éolienne est le moulin, technique ancestrale connue de tous et vieille d’au moins 2 000 ans. L’énergie de rotation issue du rotor était transmise directement à l’arbre d’une machine, qu’il s’agisse d’une scie à bois ou d’une meule à grains. Bien qu’ancienne, cette méthode conserve toute sa pertinence de nos jours,notamment combinée à de nouveaux systèmes, en ce qu’elle offre un meilleur rendement qu’en convertissant l’énergie en électricité, puis à nouveau en énergie de rotation.

Cependant, un moulin (ou une éolienne) traditionnel peut tout à fait fournir, outre l’énergie mécanique, de l’énergie thermique. Le problème est que presque personne ne le sait. Même l’Agence Internationale de l’Energie, dans son panorama des techniques de production de chaleur renouvelable, ne mentionne pas la conversion directe d’énergie éolienne en chaleur.

L’éolienne à frein hydraulique

La version « classique » d’une éolienne productrice de chaleur convertit directement l’énergie cinétique de rotation en chaleur en créant une friction dans l’eau, via l’utilisation d’un dispositif appelé « frein hydraulique » ou encore « machine de Joule ». Un générateur de chaleur basé sur ce principe s’apparente tout simplement à un mixer ou une roue à aube à énergie éolienne, insérée dans un réservoir d’eau calorifugé (c’est-à-dire isolé thermiquement). Du fait de la friction induite dans les molécules d’eau, l’énergie mécanique transmise par les pales y est convertie en chaleur. L’eau ainsi chauffée peut alors alimenter un bâtiment pour le chauffage ou le lavage du linge et le concept pourrait aisément être transposé à des usines dont les process industriels requièrent des températures relativement basses.

Image : schéma de principe d’un système de chauffage basé sur une éolienne à frein hydraulique. Source : [^8]
Image : schéma de principe d’un système de chauffage basé sur une éolienne à frein hydraulique. Source : [^8]
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La machine de Joule fut initialement conçue comme un instrument de mesure. James Joule la construisit en 1840 pour sa fameuse mesure de l’équivalent mécanique de la chaleur : une calorie est égale à la quantité d’énergie nécessaire pour élever la température d’1 centimètre cube d’eau d’1 degré Celsius.

Un générateur de chaleur basé sur ce principe s’apparente tout simplement à une roue à aube à énergie éolienne insérée dans un réservoir d’eau calorifugé

Ce qu’il y a de plus fascinant avec les éoliennes à frein hydraulique c’est que, en théorie, elles auraient pu être fabriquées il y a plusieurs centaines voire milliers d’années. Elles sont construites à partir de matériaux élémentaires : du bois et/ou du métal. Néanmoins, bien qu’on ne puisse exclure qu’elles aient été utilisées à l’époque préindustrielle, la première mention d’éoliennes productrices de chaleur ne date que des années 1970, période à laquelle les Danois commencèrent à en construire suite au premier choc pétrolier.

Image : le générateur de chaleur d’une éolienne productrice de chaleur. Source : [^8]
Image : le générateur de chaleur d’une éolienne productrice de chaleur. Source : [^8]
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A cette époque, le Danemark était entièrement dépendant des importations de pétrole pour le chauffage, ce qui laissa de nombreux foyers démunis et sans chauffage quand l’approvisionnement en pétrole fut perturbé. Ayant déjà développé une forte culture DIY (« Do It Yourself », que l’on pourrait traduire par « bricolage » ou « fait par soi-même ») dans la fabrication de petites éoliennes électriques pour leurs fermes, les Danois se mirent à construire des éoliennes pour chauffer leurs maisons. Certains firent le choix d’installations indirectes, assurant la conversion d’électricité éolienne en chaleur via des appareils de chauffage électrique. D’autres, cependant, fabriqèerent des éoliennes mécaniques produisant directement de la chaleur.

Moins coûteuse à construire

La méthode directe pour la production de chaleur s’avère beaucoup moins coûteuse et plus durable que la conversion d’électricité d’origine solaire ou éolienne en chaleur par l’intermédiaire d’appareils de chauffage électrique. Il y a deux raisons à cela.

Tout d’abord et avant tout, les éoliennes mécaniques sont moins complexes, ce qui les rend plus abordables et moins consommatrices de ressources à construire, tout en accroissant leur durée de vie. Une éolienne à frein hydraulique se passe de convertisseur de courant, transformateur et boîte de vitesse, ce qui, grâce à une masse plus faible, autorise une conception moins robuste de l’éolienne. La machine de Joule est ainsi plus petite et moins coûteuse qu’un générateur électrique. 7 Un autre facteur important est la réduction du coût de stockage thermique, de l’ordre de -60 à 70 % comparé à une solution sur batterie ou au recours ou à des générateurs de secours. 2

Une éolienne à frein hydraulique, construite par l’Institute for Agricultural Techniques en 1974. Photo de Ricard Matzen. Source : [^13]
Une éolienne à frein hydraulique, construite par l’Institute for Agricultural Techniques en 1974. Photo de Ricard Matzen. Source : [^13]
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Ensuite, convertir l’énergie éolienne ou solaire directement en chaleur (ou en énergie mécanique) peut avoir un meilleur rendement que lorsqu’une conversion énergétique a lieu. Cela signifie qu’un nombre moins important de convertisseurs d’énergie solaire ou éolienne est nécessaire - et par conséquent moins d’espaces et de ressources – pour fournir une quantité donnée de chaleur donnée. En bref, l’éolienne productrice de chaleur résout les principaux défauts de l’énergie éolienne, à savoir : sa faible densité en énergie et son intermittence.

Les éoliennes mécaniques sont moins complexes, ce qui les rend plus abordables et moins consommatrices de ressources à construire, tout en accroissant leur durée de vie

Enfin, la production de chaleur directe améliore significativement la rentabilité et la pérennité de petites installations éoliennes. Des expériences ont montré que les petites éoliennes produisant de l’électricité ont de très mauvais rendements et ne produisent pas toujours assez d’énergie pour compenser celle nécessaire à leur fabrication. 12 Par contre, utiliser des modèles similaires pour produire de la chaleur permet de réduire leur « énergie grise » (‘embodied energy’ : énergie nécessaire lors de la vie d’un produit, hors utilisation (fabrication, transport, entretien, recyclage…)) et les coûts, ainsi que d’augmenter leur durée de vie et améliore leur rendement.

Quelle quantité de chaleur une éolienne peut-elle produire ?

L’éolienne à frein hydraulique danoise des années 1970 était une machine de taille relativement réduite, avec un rotor d’environ 6 mètres de diamètre et une hauteur d’environ 12 mètres. Des versions plus grandes furent construites dans les années 1980. La plupart utilisaient de simples pales en bois. Au total, une douzaine au moins de modèles différents ont été documentés, aussi bien bricolés que commerciaux. 8 Nombreux furent construits avec des pièces détachées de voitures et autres matériaux de récupération. 1

Image: Une éolienne Calorius produisant jusqu’à 4 kW de chaleur. Image mis à disposition par le Nordic Folkecenter au Danemark.
Image: Une éolienne Calorius produisant jusqu’à 4 kW de chaleur. Image mis à disposition par le Nordic Folkecenter au Danemark.
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Les performances d’une des premières petites éoliennes danoises productrices de chaleur furent officiellement testées. La Calorius type 37 – d’une hauteur de 9 mètres et équipée d’un rotor de 5 mètres de diamètre – produisait 3,5 kilowatts de chaleur pour une vitesse de vent de 11 m/s (forte brise, Beaufort 6). Ceci est comparable à la chaleur produite par les plus petites chaudières utilisées pour le chauffage de locaux. Entre 1993 et 2000, l’entreprise danoise Westrup a construit au total 34 éoliennes dont 17 étaient toujours en fonctionnement en 2012. 8

Une éolienne à frein hydraulique de plus grande dimension (7,5 mètres de diamètre, mât de 17 mètres) fut construite en 1982 par les frères Svaneborg et chauffait la maison de l’un des deux (tandis que l’autre avait opté pour un aérogénérateur et un système de chauffage électrique). Composée de 3 pâles en fibres de verre, l’éolienne produisait jusqu’à 8 kilowatts de chaleur, d’après des mesures non-officielles – ce qui est comparable à la puissance délivrée par la chaudière électrique d’une petite maison individuelle. 8

Plus tard dans les années 1980, Knud Berthou fabriqua l’éolienne de chauffage la plus sophistiquée à ce jour : la LO-FA. Sur les autres modèles, la production de chaleur se faisait au pied de l’éolienne – un arbre de transmission descendait jusqu’au niveau du sol, où était installé le frein hydraulique. Dans l’éolienne LO-FA, au contraire, tous les composants mécaniques associés à la conversion de l’énergie étaient installés au sommet du mât. Les 10 premiers mètres du mât, d’une hauteur totale de 20 mètres, étaient remplis de 15 tonnes d’eau dans un réservoir calorifugé. Ainsi, on pouvait littéralement « ouvrir le robinet » d’eau chaude de l’éolienne. 8

La tour de l’éolienne LO-FA contenait 15 tonnes d’eau dans un réservoir calorifugé : on pouvait littéralement « ouvrir le robinet » d’eau chaude de l’éolienne

LO-FA était aussi la plus grande éolienne de chauffage, avec un rotor de 12 mètres de diamètre. Sa puissance était estimée à 90 kilowatts pour une vitesse de vent de 14 m/s (Beaufort 7). Ce résultat peut sembler excessif par rapport aux autres éoliennes productrices de chaleur, mais la puissance de sortie délivrée par une éolienne croît plus que proportionnellement à l’augmentation du diamètre du rotor et de la vitesse du vent. Par ailleurs, le fluide de friction du frein hydraulique n’était pas de l’eau mais de l’huile hydraulique, qui peut être chauffée à des températures bien plus élevées. L’huile transférait ensuite sa chaleur à l’eau stockée dans la tour. 8

Un renouveau d’intérêt

L’intérêt porté aux éoliennes productrices de chaleur a ressurgi il y quelques années, bien qu’il se limite pour l’instant à une poignée d’études et expérimentations scientifiques. Ainsi, dans un article de 2011, des scientifiques allemands et britanniques affirment que « dans les régions nordiques, les petits foyers isolés ont plus de besoins en énergie thermique qu’en électricité ; les éoliennes, dans ces régions, devraient par conséquent être construites pour générer de la chaleur ». 9

Les chercheurs y expliquent et illustrent le fonctionnement d’une éolienne à frein hydraulique et proposent un calcul de la performance optimale pour cette technologie. D’après les résultats obtenus, le régime de couple/vitesse du rotor et de l’hélice doivent être soigneusement définis afin d’obtenir un rendement maximal. Par exemple, dans le cas de la micro-éolienne Savonius utilisée par les scientifiques comme modèle (rotor de diamètre 0,5 m, hauteur de mat 2 m), des calculs ont permis de déterminer que le diamètre optimal de l’hélice était de 0,388 m.

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Les chercheurs ont ensuite réalisé des simulations sur une durée de quinze heures afin de calculer la chaleur délivrée en sortie par l’éolienne. Alors que peu appropriée à la production d’électricité du fait de sa faible vitesse, l’éolienne Savonius s’avère en revanche une très bonne candidate pour la production de chaleur : cette petite éolienne est parvenue à générer jusqu’à 1 kW de puissance thermique (à une vitesse de vent de 15 m/s). 9 En 2013, une étude portant sur un prototype a permis d’obtenir des résultats similaires, et a estimé à 91 % le rendement du système. 10 Ceci est comparable au rendement d’un aérogénérateur chauffant de l’eau grâce à de l’électricité.

En 2013, l’étude d’un prototype a permis de calculer que le système avait un rendement de 91 %

Évidemment, le temps n’est pas toujours à l’orage, ce qui signifie que la prise en compte de la vitesse moyenne du vent est au moins aussi importante que la vitesse de vent maximale possible. Une étude réalisée en 2015 étudiait le potentiel du développement d’éoliennes dédiées à la production de chaleur en Lituanie, un pays balte au climat froid, largement dépendant d’importations onéreuses de combustibles fossiles. 11 Sur l’hypothèse d’une vitesse moyenne de vent dans le pays (4 m/s, Beaufort 3), les chercheurs ont montré que la production d’un kilowatt de chaleur nécessitait une éolienne avec un rotor de 8,2 mètres de diamètre.

Une éolienne productrice de chaleur avec un frein hydraulique placé à l’intérieur de la tour, au pied de l’éolienne. Construite par Jorgen Andersen en 1975, l’éolienne se situait à Serritslev. Photo de Claus Nybroe. Source : [^13]
Une éolienne productrice de chaleur avec un frein hydraulique placé à l’intérieur de la tour, au pied de l’éolienne. Construite par Jorgen Andersen en 1975, l’éolienne se situait à Serritslev. Photo de Claus Nybroe. Source : [^13]
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En comparant ces données avec les besoins en chaleur d’un bâtiment neuf et performant de 120 m2 chauffé aux standards modernes de confort, ils sont arrivé à la conclusion qu’une éolienne productrice de chaleur pourrait couvrir de 40 à 75 % des besoins annuels en chauffage (fluctuants selon le niveau de performance énergétique du bâtiment). 11

Le stockage thermique

Par ailleurs, comme la vitesse moyenne du vent n’est pas constante, une éolienne de chauffage nécessite la mise en place d’un stockage thermique – sans quoi elle ne fournirait de la chaleur que lorsque le vent souffle. Un mètre cube d’eau chaude (1 tonne, 1 000 litres) peut emmagasiner jusqu’à 90 kWh de chaleur, ce qui représente à peu près les besoins d’un à deux jours pour un foyer de quatre personnes.

La même éolienne que représentée plus haut, ici vue en contre-plongée. Source : [^7]
La même éolienne que représentée plus haut, ici vue en contre-plongée. Source : [^7]
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Pour pouvoir tenir une semaine complète sans vent, jusqu’à 7 tonnes d’eau sont donc nécessaires, soit un volume de 7 mètres cube, plus l’isolation. Il faut également tenir compte des pertes énergétiques (phénomène dit d’« autodécharge »), ce qui explique pourquoi les éoliennes productrices de chaleur danoises avaient généralement une cuve de stockage d’une capacité de dix à douze mille litres d’eau. 12

Une éolienne productrice de chaleur peut également être combinée avec un chauffe-eau solaire, de manière à ce qu’un unique petit ballon d’eau puisse être alimenté en énergie thermique directe à la fois par le vent et par le soleil.

Une éolienne productrice de chaleur peut également être combinée avec un chauffe-eau solaire, de manière à ce qu’un unique petit ballon d’eau puisse être alimenté en énergie thermique directe à la fois par le vent et par le soleil. Dans cette configuration, il devient possible de construire un système de chauffage relativement fiable avec un réservoir de plus petite taille, la combinaison des deux sources d’énergie – souvent complémentaires – augmentant la probabilité d’un apport en chaleur directe de l’une ou l’autre. Les éoliennes productrices de chaleur, en particulier dans les climats peu ensoleillés, s’avèrent être un excellent complément aux installations solaires thermiques, car celles-ci produisent assez peu de chaleur durant l’hiver, période où les besoins en chaleur sont les plus élevés.

Les ralentisseurs et pompes à chaleur mécaniques

Les travaux de recherche les plus récents et exhaustifs sur le sujet datent de 2016 et 2018. Ils comparent différents modèles d’éoliennes génératrices de chaleur avec différents systèmes de production de chaleur indirecte. 1 13 Ce second type d’éolienne produit de la chaleur via une pompe à chaleur mécanique ou un ralentisseur hydrodynamique, et non avec un frein hydraulique.

Une pompe à chaleur mécanique est, tout simplement, une pompe à chaleur sans moteur électrique dans laquelle le rotor de l’éolienne est directement relié au(x) compresseur(s) de la pompe à chaleur. Cette combinaison implique une conversion énergétique en moins et a donc un rendement supérieur de 10 % par rapport à une pompe à chaleur électrique alimentée par un aérogénérateur.

Un ralentisseur hydrodynamique est un système bien connu de freinage, qui équipe des véhicules lourds. Sur le même principe qu’une machine de Joule, ce dispositif convertit l’énergie cinétique de rotation en chaleur sans impliquer d’électricité. Les ralentisseurs et pompes à chaleur mécaniques ont les mêmes avantages que les machines de Joule, dans la mesure où ils sont plus petits, légers et abordables que les générateurs électriques. Néanmoins, un multiplicateur (boîte de vitesse) est nécessaire pour obtenir un rendement optimal.

Comparaison de différents systèmes de production de chaleur directe et indirecte. Source : [^15]
Comparaison de différents systèmes de production de chaleur directe et indirecte. Source : [^15]
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L’étude en question compare différentes éoliennes productrices de chaleur équipées de ralentisseur et pompe à chaleur, par rapport à une production de chaleur indirecte à l’aide de chaudière électrique et pompe à chaleur électrique. Ces quatre technologies sont comparées entre elles pour trois échelles de systèmes : une petite éolienne visant l’autonomie en chaleur d’un foyer hors-réseau, une grande éolienne alimentant tout un village, et une ferme éolienne générant de la chaleur pour 20 000 habitants. Les quatre systèmes énergétiques sont classés selon leur coût annuel en investissement et en exploitation, sur l’hypothèse d’une durée de vie de 20 ans. 1 13

Le couplage direct d’une éolienne mécanique à une pompe à chaleur mécanique s’avère moins coûteux que l’utilisation d’une chaudière à gaz ou d’un aérogénérateur raccordé à une pompe à chaleur électrique

Pour le système hors-réseau (off-grid), le raccordement direct d’une éolienne à une pompe à chaleur mécanique est l’option la moins chère, la combinaison d’un aérogénérateur avec un chauffe-eau électrique revenant deux à trois fois plus cher. Toutes les autres configurations se situent entre ces deux extrêmes en termes de coût. Les systèmes petite éolienne équipées de pompe à chaleur mécanique ont un coût - en prenant en compte à la fois l’investissement et l’exploitation - égal voir inférieur aux chaudières à gaz classique, considérant la performance moyenne d’une petite éolienne (qui produit – sur une année – 12 à 22 % de sa puissance maximale).

Image : Éolienne à frein hydraulique conçue par O. Helgason (à gauche), frein hydraulique avec système de poids variables (à droite). Images issues de "Test at very high wind speed of a windmill controlled by a water brake", O. Helgason et A.S. Sigurdson, Science Institute, University of Iceland. Source : [^7]
Image : Éolienne à frein hydraulique conçue par O. Helgason (à gauche), frein hydraulique avec système de poids variables (à droite). Images issues de "Test at very high wind speed of a windmill controlled by a water brake", O. Helgason et A.S. Sigurdson, Science Institute, University of Iceland. Source : [^7]
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A contrario, combiner un petit aérogénérateur à une pompe à chaleur électrique nécessite un « facteur de charge » d’au moins 30 % pour devenir compétitif avec du chauffage au gaz – mais il est très rare d’atteindre de telles performances. Les systèmes à plus grande échelle obtiennent des scores similaires – la combinaison d’éoliennes mécaniques avec des pompes à chaleur mécaniques demeurant l’option la moins chère – ce qui tient au fait que les coûts d’investissement sont jusqu’à trois fois moins élevés grâce aux économies d’échelle réalisées. Les éoliennes plus grandes ont des facteurs de charge plus élevés (16-40 %), ce qui réduit encore plus les coûts.

À cause d’importantes pertes énergétiques lors du transport de chaleur, les éoliennes productrices de chaleur s’avèrent les plus performantes dans des installations décentralisées, dédiées à l’alimentation en chaleur d’un foyer hors-réseau ou – dans le cas idéal – d’un village ou d’une petite ville.

Néanmoins, des installations de plus grande envergure révèlent leurs limites lorsque la technologie opère un saut d’échelle : si stocker de la chaleur est moins coûteux et plus efficace que stocker de l’électricité, c’est l’inverse que se produit dans le cas du transport. Les pertes énergétiques liées au transport de chaleur sont bien plus importantes que les pertes en ligne dans le cas de la transmission d’électricité. Les scientifiques estiment à 50 km la distance maximale pour qu’une installation de transport de chaleur soit économiquement viable dans des conditions de vent optimales. 13

Par conséquent, les éoliennes productrices de chaleur s’avèrent les plus performantes dans des installations décentralisées, dédiées à l’alimentation en chaleur d’un foyer hors-réseau ou idéalement un village, une petite ville, ou encore une zone industrielle. Pour des échelles plus importantes, il est nécessaire de transporter l’énergie sous forme d’électricité et dans ce cas de figure la production de chaleur directe – malgré ses nombreux avantages – n’est plus pertinente ni compétitive.

Aveuglés par l’électricité

Les éoliennes productrices de chaleur sont aussi étudiées pour la production d’électricité renouvelable, principalement parce qu’elles offrent une meilleure solution pour stocker de l’énergie comparée à des batteries ou à d’autres technologies couramment utilisées. 14 Dans un tel dispositif, la chaleur produite est convertie en électricité à l’aide d’une turbine à vapeur. Le système de stockage est similaire à celui d’une centrale solaire thermique à concentration, à la différence près que les concentrateurs solaires (héliostats) sont ici remplacés par des éoliennes productrices de chaleur.

Un « aimant à courant de Foucault ». Source : [^9]
Un « aimant à courant de Foucault ». Source : [^9]
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Étant donné que la production d’électricité renouvelable via une turbine à vapeur nécessite des températures élevées, ces systèmes ne peuvent fonctionner avec une machine de Joule ou un ralentisseur hydrodynamique : ils sont de ce fait couplés à un autre type de ralentisseur appelé « aimant à courant de Foucault » (ou « aimant à induction »). Composés d’un aimant monté sur un arbre rotatif, ils peuvent atteindre des températures jusqu’à 600 degrés Celsius. En ayant recours aux courants de Foucault, les éoliennes pourraient fournir de la chaleur directe à des températures encore plus élevées, ce qui permettrait de les utiliser dans l’industrie.

Néanmoins, il faut souligner qu’utiliser la chaleur stockée pour produire de l’électricité s’avère bien plus coûteux et moins durable que d’utiliser des éoliennes productrices de chaleur pour générer directement de la chaleur. La conversion de la chaleur stockée en électricité se fait moyennant un rendement maximum de 30 %, ce qui signifie que les deux tiers de l’énergie éolienne initiale sont perdus dans des conversions énergétiques inutiles – ce qui s’applique aussi dans le cas de la production d’énergie solaire thermique. 13

La production de chaleur directe permet ainsi d’économiser trois fois plus de combustibles fossiles et leurs émissions de gaz à effet de serre associées pour un même nombre d’éoliennes, lesquelles seraient aussi moins chères et plus durables à construire. Espérons que la production de chaleur directe recevra l’attention et le soutien qu’elle mérite pour son développement. Malgré le réchauffement climatique en cours, la demande en énergie thermique n’a jamais été aussi forte.


  1. Nitto, Dipl-Ing Alejandro Nicolás, Carsten Agert, and Yvonne Scholz. “WIND POWERED THERMAL ENERGY SYSTEMS (WTES)”. ↩︎ ↩︎ ↩︎ ↩︎ ↩︎

  2. Integration of Thermal Energy Storage into Energy Network, Sharyar Ahmed, 2017 ↩︎ ↩︎ ↩︎

  3. The bright future of solar thermal powered factories, Kris De Decker, Low-tech Magazine, 2011 ↩︎

  4. Solar Heat Worldwide, edition 2018, International Energy Agency (IEA). ↩︎

  5. Renewables 2018, Heat, International Energy Agency (IEA). ↩︎ ↩︎

  6. World Bank: Renewable electricity output↩︎

  7. Okazaki, Toru, Yasuyuki Shirai, and Taketsune Nakamura. “Concept study of wind power utilizing direct thermal energy conversion and thermal energy storage.” Renewable energy 83 (2015): 332-338. ↩︎

  8. The Rise of Modern Wind Energy: Wind Power for the World. Pan Stanford Publishing, 2013. Voir les chapitres 13 (“Water brake windmills”, Jørgen Krogsgaard) et le chapitre 16 (“Consigned to Oblivion”, Preben Maegaard). Il semblerait que ce soit là les seuls documents de langue anglaise disponibles au sujet des éoliennes danoises à frein hydraulique. ↩︎ ↩︎ ↩︎ ↩︎ ↩︎

  9. Chakirov, Roustiam, and Yuriy Vagapov. “Direct conversion of wind energy into heat using joule machine.” Fourth International Conference on Environmental and Computer Science (ICECS 2011), Singapore, Sept. 2011. ↩︎ ↩︎

  10. SMALL WIND ENERGY SYSTEM WITH PERMANENT MAGNET EDDY CURRENT HEATER, BY ION SOBOR, VASILE RACHIER, ANDREI CHICIUC and RODION CIUPERCĂ. BULETINUL INSTITUTULUI POLITEHNIC DIN IAŞI. Publicat de Universitatea Tehnică „Gheorghe Asachi” din Iaşi Tomul LIX (LXIII), Fasc. 4, 2013 ↩︎

  11. Černeckienė, Jurgita, and Tadas Ždankus. “Usage of the Wind Energy for Heating of the Energy-Efficient Buildings: Analysis of Possibilities.” Journal of Sustainable Architecture and Civil Engineering 10.1 (2015): 58-65. ↩︎ ↩︎

  12. Selfbuilders, Winds of Change website, Erik Grove-Nielsen. ↩︎

  13. Cao, Karl-Kiên, et al. “Expanding the horizons of power-to-heat: Cost assessment for new space heating concepts with Wind Powered Thermal Energy Systems.” Energy 164 (2018): 925-936. ↩︎ ↩︎ ↩︎ ↩︎

  14. Okazaki, Toru, Yasuyuki Shirai, and Taketsune Nakamura. “Concept study of wind power utilizing direct thermal energy conversion and thermal energy storage.” Renewable energy 83 (2015): 332-338. ↩︎